En 2022, notre association change d’identité pour devenir Sofélia. L’occasion de revenir sur l’historique de notre association, les dates clés qui ont marqué notre histoire et les valeurs qui nous animent. © Province de Liège – Musée de la Vie wallonne – Fonds Robyns Desarcy.
Du combat pour l’accessibilité à la contraception à la défense du droit à l’avortement, Sofélia et ses Centres affilés ont été pionnières·ers en matière de lutte pour l’accès aux droits sexuels et reproductifs en Belgique. Faisons un bond dans le passé en partant de 1922, année de création du mouvement Soralia (anciennement FPS) à l’initiative des première consultation conjugale et à la base de la création de notre Fédération de Centres de Planning familial et allons jusqu’en 1973, début de l’affaire Peers, figure emblématique dans la lutte pour le droit à l’avortement en Belgique.
En 1922, les Femmes Prévoyantes Socialistes (Soralia) voient le jour. Mouvement mutualiste, Soralia milite avec et pour les femmes et les familles de milieux populaires et mettent sur pied de nombreuses initiatives : épargne prénuptiale, aide-ménagère en cas de maladie ou de séjour à l’hôpital, homes de vacances, crèches, écoles ménagères, etc.
En 1934, les FPS ouvrent leur première consultation conjugale à Bruxelles. Celle-ci est accessible à toutes les Femmes Prévoyantes du pays (sur la présentation de leur carnet et de leur carte d’identité, elles pourront se présenter à cette consultation en étant accompagnées de préférence de leur époux ou futur époux). Les objectifs de cette consultation sont les suivants :
- Donner des conseils aux futurs époux et organiser l’examen pré-nuptial. Cet examen permettait de « savoir avant de procréer quel était notre réel état de santé et si nous étions aptes à mettre au monde des enfants sains, robustes, capables de conquérir leur place au soleil ». Il s’agissait aussi de réaliser des « examens gynécologiques préventifs des femmes afin d’éviter le développement de maladies chroniques féminines à évolution lente ».
- Conseiller les époux dont l’union conjugale laisse à désirer pour une cause physiologique. Ainsi, « l’éducation hygiénique des conjoints est encore entièrement à faire dans beaucoup de ménages. Que de drames intimes pourraient être évités, de souffrances atténuées par des conseils sérieux donnés en temps utile ! ».
En 1956, la pilule contraceptive, mise au point par le docteur Pincus, voit le jour aux États-Unis. Véritable révolution, la pilule deviendra le symbole de la libération sexuelle des femmes. Malgré sa commercialisation en Belgique, l’information et la publicité de toute forme de contraception sont interdites par la loi du Premier ministre Carton de Wiart depuis 1923, et ce, pour des raisons natalistes. Cette loi a complété celle de 1897 interdisant totalement l’interruption volontaire de grossesse (IVG). L’IVG est inscrite dans le Code pénal comme « un crime contre l’ordre des familles et la moralité publique ». À ce moment-là, au vu des législations restrictives en matière de droit à disposer de son corps et du manque d’informations relatives à la contraception, les femmes se retrouvaient dans l’obligation de se tourner vers l’avortement clandestin malgré les risques d’un tel acte pour leur santé et leur vie. À ce propos, rappelons qu’interdire l’avortement n’en diminuera jamais le nombre, mais le rendra clandestin et risqué. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 25 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués chaque année dans le monde [1].
En Belgique francophone, le premier Centre de Planning familial est constitué par un groupe de personnes laïques en 1962, il s’agit de « La Famille heureuse » [2]. Le premier Centre de Planning familial des FPS (Soralia) est créé, quant à lui, à Bruxelles, en 1965. Il s’agit plus précisément du Centre Rosa des FPS du Brabant. Mai 68 se profilait à l’horizon et avec lui les élans de liberté sexuelle. À l’origine, les Centres de Planning familial ont été mis en place afin de permettre aux couples de trouver des conseils pour « planifier » l’agrandissement ou non de leur famille. Les Centres étaient aussi des lieux d’écoute et d’information en matière de sexualité et de contraception où les professionnel·le·s recevaient le grand public sans tabou et en toute confidentialité. Au fil des ans, les Centres ont développé d’autres types de consultations comme des consultations psychologiques, juridiques, sociales, médicales/gynécologiques et des animations en lien avec la vie relationnelle, affective et sexuelle (VRAS).
Willy Peers, figure majeure
« C’est par respect de la vie et de la personne humaine que je suis pour la dépénalisation de l’avortement médical. Ceux qui sont contre semblent être aussi contre la vie et la personne humaine » Willy Peers.
En 1970, le docteur Willy Peers fonde la Société belge pour la légalisation de l’avortement. Le docteur Peers, bien connu dans les années 60, mène alors un triple combat : l’introduction de l’accouchement sans douleur, la diffusion d’une contraception moderne et la modification de la législation réprimant l’avortement [3]. C’est aussi en 1970 que les Centres de Planning familial seront reconnus et subsidiés en Belgique.
En 1973, c’est le début de l’affaire Peers… Le docteur Peers est arrêté et emprisonné pour avoir pratiqué plus de 300 avortements à la maternité régionale de Namur. Par son acte de désobéissance civile, il contribue à briser le silence entourant la pratique de l’IVG en Belgique. Toujours en 1973, suite à une forte mobilisation des mouvements de femmes et du monde laïque dont les FPS (Soralia) et leurs Centres de Planning familial en soutien au Docteur Peers, la contraception est légalisée en Belgique… En effet, à partir de cette année-là, les contraceptifs seront assimilés aux médicaments, leur diffusion sera partiellement libéralisée et leur publicité autorisée. « L’affaire Peers » lancera le débat et la lutte pour la dépénalisation de l’avortement qui sera principalement portée par les milieux de gauche et laïque… [4]
[1] OMS, « 25 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués dans le monde chaque année », https://bit.ly/3LUp6LZ.
[2] Le planning familial, un champ (dé)pilarisé ?, Espace de libertés, Février 2021, n° 496, https://bit.ly/3v65BcB.
[3] Site internet « Connaitre la Wallonie », Rubrique « Wallons marquants : Willy Peers », https://bit.ly/363ERRG.
[4] Ibid.