En Belgique, il y a exactement 30 ans, la loi Lallemand-Michielsens a partiellement dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse (IVG). C’était le 3 avril 1990. Mais au regard de la loi, l’avortement est resté un crime pénalisé, sauf exceptions et respect simultané de plusieurs conditions, dont celle de pratiquer l’avortement avant 12 semaines de grossesse.
Aussi, chaque année, parce qu’elles ont dépassé ce délai légal, près de 500 femmes se rendent aux Pays-Bas pour bénéficier d’une IVG, ce qui leur coûte à peu près 1000€, hors frais de voyage. Une autre réalité est celle des femmes qui n’ont pas les moyens – financiers et/ou logistiques – de s’y rendre. Elles devront par conséquence « faire avec » une grossesse, un accouchement et un enfant non-désiré. Cette réalité est un exemple du difficile accès à l’IVG pour les femmes (très) précarisées, en parcours migratoire, sans domicile et/ou qui ne sont pas en ordre de mutuelle.
Alors que nous espérions une avancée historique pour les droits de toutes les femmes en 2018, c’est avec regret que nous avons accueilli la nouvelle loi. Elle « sort l’IVG du Code pénal » mais les modifications législatives minimes font qu’elle conditionne toujours trop durement l’accès à l’avortement. Par ailleurs, l’avortement n’est pas réellement dépénalisé puisqu’il est toujours prévu des sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins qui ne respectent pas les conditions. C’est problématique : s’ajoutant à la faible offre de formations médicales à l’IVG, ces dispositions pénales participent activement au risque de pénurie de médecins qui pratiquent l’avortement.
85% des IVG en Belgique sont pratiquées dans des centres extrahospitaliers. L’IVG étant un enjeu de santé publique et d’égalité, des membres de la plate-forme Abortion Right (1) et leurs partenaires (2) plaident pour un assouplissement des conditions d’accès à l’IVG : allongement du délai gestationnel jusqu’auquel l’avortement peut être pratiqué en Belgique, réduction du délai dit « de réflexion », abrogation des sanctions pénales pour les femmes et les médecins, interdiction de la clause de conscience institutionnelle au sein des hôpitaux, etc. Peut-être pour bientôt ? En décembre 2019, les partis progressistes votent en seconde lecture en Commission Justice de la Chambre, une proposition de loi allant dans le sens de nos revendications, suite à quoi le conseil d’Etat émet un avis positif le 24 février. Pourtant le 12 mars 2020, par des manœuvres dilatoires, les partis conservateurs et catholiques empêchent son vote à la Chambre en déposant plusieurs amendements pour lesquels ils sollicitent, une fois encore, le Conseil d’Etat.
Etant donné les réticences toujours vives de ces partis, et étant donné le rayonnement toujours important des anti-choix, il est nécessaire de déstigmatiser l’avortement pour qu’il reste une liberté, un choix et un droit. Depuis 30 ans, les conditions d’accès à l’IVG sont restrictives ; la diversité des cas n’est pas prise en compte, ce qui laisse sur le carreau les femmes dont les situations sont particulières et/ou précaires. Une fois n’est pas coutume, cette date symbolique est l’occasion pour nous d’insister encore sur la nécessité de garantir un accès effectif pour toutes à l’avortement.
(1) Fédération Laïque de centres de Planning familial (FLCPF), Fédération des Centres de Planning Familial des Soralia (Sofélia-Soralia), Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF), GACEHPA, Garance, Médecins du Monde, Nederlandstalige Vrouwen Raad (NVR), CAL – Centre d’Action Laïque, Conseil des Femmes Francophone de Belgique (CFFB), deMens.nu.
(2) LUNA, Humanistisch Verbond