Apéro virtuel entre ami·e·s, partage de défis et de vidéos amusantes, appel groupé familial, live sur les réseaux sociaux, etc. La période de (dé)confinement dû à la crise sanitaire a un réel impact sur notre vie sociale et nos manières de communiquer avec les autres. L’obligation de ne plus quitter son domicile sauf en cas de besoins essentiels a rompu toute forme de communications et de relations sociales ordinaires. Les citoyen·ne·s se sont donc tourné·e·s davantage vers le numérique avec tous les dangers et les dérives que cela peut comporter.
Le harcèlement en ligne accentué en période de confinement
Durant la période de confinement, il y a eu une explosion du revenge porn. Il s’agit d’un phénomène consistant en la divulgation publique d’un contenu sexuellement explicite sur internet sans le consentement de la·des personne·s apparaissant sur ce contenu. Les contenus publiés sont souvent composés de photos, selfies, vidéos, etc. Ils sont principalement diffusés sur les réseaux sociaux ou sur des sites pornographiques. L’ennui est évoqué comme l’une des raisons principales de l’explosion du revenge porn et de la multiplication de comptes « fishas »[1] durant le confinement.
Outre le revenge porn, le harcèlement sexiste en ligne peut prendre différentes formes :
- Messages sexuellement explicites et non sollicités, slutshaming[2], avances déplacées, stratagèmes ou menaces visant à récolter des images à caractère sexuel, menaces de violences physiques et/ou sexuelles, propos dénigrants ou insultants voire haineux[3], ou encore « dick pics » (photos de pénis non sollicitées) via des e-mails, des messages privés ou en commentaires publics ;
- Tentatives de piratage des comptes réseaux sociaux/messageries de la victime ;
- Diffusion d’informations privées (par exemple, le numéro de téléphone de la victime, son adresse, son orientation sexuelle ou son identité de genre[4]).
Ces agressions peuvent être uniques ou répétées, à caractère sexuel ou non, s’adresser directement à la personne visée par le contenu ou non, ou encore être commises anonymement, au nom de la personne qui envoie, ou en usurpant l’identité d’une autre personne[5].
« Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! » : une campagne mettant en lumière le harcèlement sexiste en ligne
Sofélia lance aujourd’hui, le 29 juin 2020, une campagne d’information et de sensibilisation mettant en lumière le phénomène de harcèlement sexiste en ligne. Ce projet mené dans le cadre de l’éducation permanente s’adresse au grand public et s’intitule « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! ». La campagne débute avec la sortie de 6 planches BD : une manière ludique d’appréhender la thématique. Durant deux semaines, du 29 juin 2020 au 3 juillet 2020, six planches BD seront diffusées (lundi, mercredi et vendredi) sur son site internet, sa page Facebook et son compte Instagram.
Un phénomène qui concerne tout le monde…
Outre l’accentuation du harcèlement en ligne en période de confinement, ces dernières années, plusieurs cas de harcèlement sexiste en ligne ont été relayés dans les médias. Des femmes politiques (notamment Opaline Meunier (CDH), Sophie Rohonyi (Défi), Leila Agic (PS), Laure Lita (MR) et Margaux De Ré (Écolo))[6] ainsi que des journalistes (notamment Myriam Leroy, Florence Hainaut et Camille Wernaers[7]) belges ont révélé au grand public les violences qu’elles vivaient en ligne.
…et pas seulement les femmes visibles en ligne
Via sa campagne « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! », Sofélia met en évidence que le harcèlement sexiste en ligne est massif. Ce phénomène vise toutes les femmes[8], peu importe le milieu culturel, économique et social, et pas uniquement les femmes dites « visibles » en ligne [9]. La plupart du temps, ce sont des femmes qui en sont victimes et des hommes qui en sont auteurs. Il s’agit d’une problématique sociétale qui nous concerne toutes et tous (auteurs, témoins et victimes). Il est primordial d’en prendre conscience et de comprendre quel rôle chacun·e joue dans ce phénomène afin de pouvoir lutter contre celui-ci.
L’accès à internet : un droit fondamental
L’accès à internet est de plus en plus perçu comme un droit fondamental[10] et comme essentiel pour le bien-être économique[11]. Malgré cela, au vu de la problématique ambiante du harcèlement sexiste en ligne, certaines femmes emploient des stratégies d’évitement et vont jusqu’à s’autocensurer.
Parmi les stratégies d’évitement développées :
- Suite à du harcèlement sexiste en ligne, 1 femme sur 5 dit avoir fermé son compte en ligne pour se protéger [12];
- Dans une étude américaine, 41% des femmes entre 15 et 29 ans qui n’ont pas été victimes de harcèlement sexiste en ligne rapportent s’autocensurer en ligne par peur de devenir la cible de harcèlement en ligne [13];
- Les jeux vidéo multi-joueuses·eurs en ligne constituent aussi une forme d’espace public numérique et 52% des personnes qui y jouent sont des femmes. Cependant, 70% des joueuses incarnent un personnage masculin pour éviter la violence [14].
Le harcèlement sexiste en ligne : un réel enjeu féministe
Internet et les réseaux sociaux peuvent être des lieux de libération de la parole des femmes, comme cela a été mis en évidence par l’émergence des mouvements tels que #MeToo et #BalanceTonPorc. Malheureusement, il s’agit aussi de lieux où les femmes font face à de nombreuses violences. Les violences à l’égard des femmes en ligne constituent un obstacle majeur à ce qu’elles puissent être présentes et actives sur les espaces publics en ligne, autrement dit sur internet et les réseaux sociaux. Par conséquent, lutter contre les violences sexistes en ligne représente un réel enjeu féministe : les femmes ont le droit de s’approprier l’espace public numérique au même titre que les hommes.
Au sein de notre société, les violences à l’égard des femmes forment un continuum comprenant diverses formes de violences manifestes (comme les insultes sexistes, les viols, et les féminicides, etc.) et plus indirectes (comme le contrôle exercé sur le corps des femmes, par exemple à travers les politiques restrictives en matière d’avortement) [15].
Le harcèlement sexiste en ligne fait partie de ce continuum des violences. Ces violences, en ce compris le harcèlement sexiste en ligne, sont l’une des manifestations de ce système de domination pour maintenir la hiérarchie entre les genres. Le harcèlement sexiste en ligne a pour objectif de contrôler la place des femmes dans l’espace public numérique [16] et de contribuer au maintien du système patriarcal.
« Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! » a pour objectifs principaux d’/de :
- Conscientiser les citoyenne·s à l’existence du harcèlement sexiste et à la gravité des violences à l’égard des femmes en ligne ;
- Déconstruire les idées reçues à propos du harcèlement sexiste en ligne ;
- Interpeller le monde politique et les réseaux sociaux pour qu’ils prennent des mesures afin de lutter efficacement contre ces violences.
Victimes ou témoins de harcèlement sexiste en ligne : comment réagir ?
En tant que victimes ou témoins de harcèlement sexiste en ligne, il y a plusieurs manières de réagir. Une des visées de la campagne « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! » est de les mettre en exergue. Précisons avant tout que ce n’est jamais la faute de la victime. C’est l’auteur qui est entièrement responsable de son comportement harcelant.
Il n’y a ni bonnes ni mauvaises manières de réagir face à un comportement harcelant.
La manière adéquate de réagir est celle avec laquelle la personne se sent la plus à l’aise. Les victimes pourront, par exemple, employer les stratégies suivantes : la fuite, la confrontation, la dénonciation ou encore le rappel du cadre légal. En tant que témoin, il est possible de devenir un·e allié·e de la victime, par exemple, en signalant le profil ou le contenu du harceleur, en contactant la victime en privé ou encore en accompagnant la victime dans ses démarches, etc.
Les outils de la campagne
Dans le cadre de la campagne « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! », Sofélia a produit plusieurs outils pédagogiques s’adressant tant au grand public qu’aux professionnel·le·s du secteur psycho-médico-social. Ces supports sont complémentaires mais peuvent aussi être utilisés indépendamment les uns des autres.
Six doubles planches de bande dessinée
Le format BD est une manière ludique d’appréhender une thématique. C’est pourquoi, dans le cadre du projet « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! », six doubles planches BD portant sur les multiples enjeux du harcèlement sexiste en ligne ont été produites en collaboration avec l’artiste Puff Of Aria . Chacune des planches aborde un enjeu sous forme de témoignage suivi d’explications.
Quels enjeux ?
La première planche BD revient sur la définition du harcèlement sexiste en ligne. La seconde évoque les conséquences sur les victimes de comportements harcelants. La troisième porte sur le contexte sociétal patriarcal dans lequel s’inscrit la problématique des violences faites aux femmes. La quatrième met l’accent sur l’importance du rôle que chacun·e joue dans ce phénomène. La cinquième évoque les différentes stratégies qui s’offrent aux victimes de harcèlement. La sixième et dernière planche mentionne les diverses stratégies que les témoins de harcèlement sexiste en ligne peuvent adopter face à ces situations afin d’aider la victime.
Quelle diffusion ?
Ces planches BD portant sur les enjeux du harcèlement sexiste en ligne sont diffusées sur :
- Le site internet de Sofélia (où elles peuvent être téléchargées en format pdf)
- La page Facebook de Sofélia
- Le compte Instagram de Sofélia
Outre l’objectif de sensibilisation du grand public à la thématique du harcèlement sexiste en ligne via les réseaux sociaux, les professionnel·le·s du secteur psycho-médico-social peuvent se saisir de ces planches dans le cadre notamment d’animations en lien avec la vie relationnelle, affective et sexuelle.
Une brochure d’informations
Dans le cadre de « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est réel ! », Sofélia produira une brochure d’informations et d’analyse sur base des planches de BD. Ce support est complémentaire aux planches BD en ligne et s’adressera tant aux professionnel·le·s du secteur psycho-médico-social qu’au grand public.
Cette brochure sera disponible dès le mois de septembre en version papier auprès de l’équipe de Sofélia ou téléchargeable en format pdf sur le site web de Sofélia.
Des supports et des actions de sensibilisation pour visibiliser la campagne dans l’espace public
Il est primordial pour Sofélia de visibiliser la problématique du harcèlement sexiste en ligne au sein de l’espace public afin que chaque citoyen·ne puisse en prendre conscience et développer un esprit critique sur le sujet.
La communication autour de ce projet sera notamment réalisée via la création de supports pédagogiques (flyers/stickers [17] reprenant un message sous forme de témoignage anonyme de harcèlement sexiste en ligne).
Ces supports seront distribués lors d’actions de sensibilisation en Wallonie et à Bruxelles auxquelles l’équipe de Sofélia participera durant le dernier trimestre de 2020 et/ou lors d’activités sous format virtuel. Il est aussi envisagé que ces outils fassent l’objet d’une campagne d’affichage au sein de l’espace public en Wallonie et à Bruxelles durant le dernier trimestre de cette année.
Dans les prochaines semaines, vous trouverez sur notre site internet davantage d’informations sur les activités destinées au grand public que Sofélia mettra en place dans le cadre de sa campagne 2020.
Dans le cadre de la création de sa campagne 2020, Sofélia a collaboré avec : les Centres de Planning familial des Soralia, Sophia du CPF de Soignies (service de prévention et de soutien face aux situations de harcèlement), Latitude Jeunes ASBL, Soralia ASBL, Promo Santé (PIPSa), la MAC de Namur, PAC asbl, Child Focus et l’IEFH.
Une initiative de la Fédération des Centres de Planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne.
[1] Les comptes dits « fisha » sont des comptes spécialement créés et dédiés à la diffusion de photos volées. En d’autres termes, il s’agit d’ « afficher » et d’identifier des filles considérées comme « faciles » ou plus rarement, des garçons infidèles ou homosexuels. LELOUP D. et FISCHER S., « Harcèlement sexuel : avec le confinement, le retour en force des comptes « fisha » sur les réseaux sociaux », lemonde.fr, 7 avril 2020, https://miniurl.be/r-31ma (consulté le 28 mai 2020).
[2] C’est-à-dire dénigrer les femmes sexuellement actives ou qu’on suppose l’être. LAHAYE Laudine, « Adolescents et nouvelles technologies: un cybersexisme qui crève l’écran », Analyse Soralia, 2017, https://miniurl.be/r-31mb (consultée le 28 mai 2020).
[3] INSTITUT EUROPPEEN POUR L’EGALITE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES, Cyberviolence à l’encontre des femmes et des filles, 2017, p. 2, https://miniurl.be/r-31me (consulté le 28 mai 2020).
[4] Révéler l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sans son consentement constitue une forme de violence. Ce phénomène porte le nom de « outing ».
[5] HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES, En finir avec l’impunité des violences, p. 23., https://miniurl.be/r-31o7 (consulté le 29 mai 2020).
[6] FRERES Sarah, « Jeunes femmes politiques, cibles privilégiées du cyber-harcèlement », La Libre, https://dossiers.lalibre.be/cyber-harcelement/login.php (consulté le 6 mars 2020).
[7] WERNAERS Camille, LES GRENADES – RTBF, Les réseaux sociaux: une arme contre les femmes journalistes ?, 25 novembre 2019.
[8] HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES, En finir avec l’impunité des violences op. cit., p. 4.
[9] Sofélia a lancé un appel à témoignages début 2020 sur la thématique du harcèlement sexiste en ligne. Ce dernier a permis de mettre en exergue qu’il s’agit d’un phénomène qui concerne toutes les femmes.
[10] CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES, Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement, 2016, https://miniurl.be/r-37wa (consulté le 23 juin 2020).
[11] INSTITUT EUROPPEEN POUR L’EGALITE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES, Cyberviolence à l’encontre des femmes et des filles op. cit., p. 1.
[12] Ibid.
[13] HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES, En finir avec l’impunité des violences op. cit., p. 28.
[14] CHAMBRE DES REPRESENTANTS DE BELGIQUE, Proposition de résolution concernant la cyberviolence fondée sur le genre, 16 juillet 2019, https://miniurl.be/r-37wc (consulté le 6 mars 2020).
[15] LOBBY EUROPEEN DES FEMMES, Mettre fin au continuum des violences contre les femmes et les filles, https://miniurl.be/r-37wd (consulté le 23 juin 2020).
[16] HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES, En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes, 2017, p. 3, https://miniurl.be/r-37wf (consulté le 23 juin 2020).
[17] Ces flyers/stickers seront disponibles dès le mois de septembre en version papier auprès de l’équipe de Sofélia ou téléchargeable en format pdf sur le site web de la Sofélia.