À l’annonce de la formation d’un gouvernement fédéral, les Femmes Prévoyantes Socialistes (Soralia) et Sofélia (Sofélia-Soralia) souhaitent, tout d’abord, saluer le respect de la parité dans la répartition des postes de ministres et de secrétaires d’État ainsi que la nomination de Petra De Sutter, première ministre transgenre en Europe. Par ailleurs, la distribution des portefeuilles permet à des femmes de s’emparer, pour la première fois, de certaines fonctions et de certains dossiers traditionnellement perçu·e·s comme « masculin·e·s », tels que la Défense, attribuée à Ludivine Dedonder, ou le poste de présidente de la Chambre, désormais occupé par Eliane Tillieux.
À l’image de cette nouvelle composition, nous souhaitons insister sur l’importance d’assurer une représentation paritaire au sein des différentes instances et niveaux de pouvoir politiques, notamment en vue des mouvements à venir au sein des gouvernements des entités fédérées. Nous le constatons, les hautes fonctions restent, encore et toujours, trop souvent associées à la nomination d’hommes (parmi les 7 vices-premières·iers ministres ainsi que le Premier ministre, nous comptons 6 hommes pour 2 femmes), ce qui signifie que le Conseil des ministres restreint (ou Kern), qui tranche les questions les plus sensibles au niveau fédéral, n’atteint quant à lui pas la parité.
Nos associations se réjouissent toutefois des intentions prises au sein de la Déclaration de politique générale du gouvernement fédéral en matière de droits des femmes, et, notamment, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, même si celles-ci méritent d’être largement approfondies et complétées. Nous rappelons par ailleurs que le genre est une question qui doit être transversale. Par conséquent, cette approche doit s’appliquer à l’ensemble des mesures envisagées, telles que celles relatives aux pensions ou encore à la lutte contre la précarité.
Nous déplorons par contre que le traitement des propositions de loi sur l’avortement soit renvoyé en Commission Justice étant donné que ces dernières ont déjà fait l’objet d’auditions d’expert·e·s et de nombreux débats. Depuis plusieurs mois, une majorité se dégageait pour reconnaitre l’interruption volontaire de grossesse comme une question de santé publique, poursuivant l’objectif d’en améliorer l’accès. Ce dossier a par ailleurs fait l’objet d’un marchandage politique honteux que nos structures ont dénoncé à plusieurs reprises.
Égalité salariale, congé de co-parentalité, accès à la contraception, renforcement de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, développement des Centres de Prises en charge des Violences Sexuelles, mixité au sommet des administrations,… plusieurs avancées sont, cependant, à l’agenda politique et nous veillerons à leur mise en oeuvre concrète en s’assurant des budgets qui leur seront allouées ainsi que de leur portée sociale et féministe. La répartition des compétences entre les ministres des 7 partis de la coalition s’avère plutôt traditionnelle : les matières écologiques (Mobilité, Climat, Environnement, Énergie, etc.) reviennent aux verts, les matières sociales (Santé publique, Affaires sociales, Pensions, Travail, etc.) à la gauche et les matières économiques (Finances, Budget, Intérieur, Justice, etc.) à la droite. Cette attribution « classique » des portefeuilles ne doit en aucun cas constituer un frein à la concrétisation des engagements progressistes pris au sein de la déclaration de politique fédérale.
À la lecture du rapport des formateurs du nouveau gouvernement fédéral, les Soralia et la Soféliasouhaitent réaliser une analyse succincte des intentions qui y sont formulées. Celle-ci est structurée par thématiques prioritaires et visent à identifier les avancées, les reculs, les status quo ainsi que les points d’attention et de vigilance à maintenir ces prochaines années.
Les aspects socio-économiques
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Sécurité sociale
Nous félicitons la mesure suivante : « Les dotations d’équilibre aux régimes de sécurité sociale seront renouvelées pour une durée indéterminée dans la loi portant réforme du financement de la sécurité sociale. » Ces dotations de l’État sont un outil important afin de maintenir le budget de la Sécurité sociale à l’équilibre. Nous craignons cependant un affaiblissement des recettes de la Sécurité sociale lorsque l’accord Vivaldi affirme vouloir entamer une réforme fiscale dont l’un des principes serait : « Réduire la charge sur le travail (tant pour les salariés, les fonctionnaires que les indépendants, en tenant compte également des charges parafiscales) ». De plus, nous regrettons l’absence de volonté explicite en faveur d’une réelle justice fiscale. Si l’accord indique tout de même ceci : « Le Gouvernement demandera une contribution équitable aux individus qui ont la plus grande capacité contributive, dans le respect de l’entrepreneuriat. Cette contribution s’inscrira dans le cadre des efforts requis dans le contexte sanitaire actuel et des besoins en soins de santé. Une proposition sera introduite lors du prochain contrôle budgétaire », les Soralia seront attentives à ce que cette contribution soit substantielle et non juste symbolique. Pour finir, nous regrettons le fait que la suppression du taux cohabitant·e ne soit pas à l’ordre du jour. L’accord semble y faire vaguement mention : « Il sera examiné si la réglementation sociale et fiscale est encore adaptée aux formes actuelles de vie commune (dont les nouvelles formes de cohabitation et solidarité comme l’habitat intergénérationnel), et/ou de soins et aux choix de chacun. ». Nous continuerons aux Soralia à revendiquer une individualisation des droits sociaux pour une Sécurité sociale plus forte et égalitaire.
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Pensions
– La pensions minimum à 1500 euros nets : L’un des points de pivot de la formation du gouvernement Vivaldi fut la pension minimum à 1500 euros. L’accord indique à ce sujet : « La pension minimum sera progressivement relevée (carrière complète et incomplète) vers 1500 euros nets pour une carrière complète […] ». Si l’intention est bien actée, la mesure reste volontairement floue (« vers »). Par ailleurs, si cette mesure est opérationnalisée concrètement en 2024, l’inflation rendra ce montant fixe de 1500 euros dépassé. De plus, nous appelons à ce que cette mesure soit soutenue par l’apport budgétaire nécessaire (l’accord prévoit 5 milliards d’euros pour ces « politiques nouvelles » comprenant notamment le relèvement de la pension minimum, qui selon le Bureau fédéral du Plan coûtera 3 milliards d’euros). Par ailleurs, la revalorisation de la pension minimum avec le maintien d’une condition de carrière complète de 45 ans ignore les écarts de pensions entre les femmes et les hommes : 36 ans de carrière moyenne pour les femmes qui ne bénéficieront donc pas de 1500 euros mais d’un montant au prorata de leur carrière. Notre système des pensions doit prendre davantage en compte le facteur du genre, notamment à travers les périodes assimilées qui sont de moins en moins bien prises en compte à la défaveur des femmes ou encore une réforme de la pénibilité (des métiers dits « féminins» et « masculins »), censée contrebalancer l’augmentation de l’âge légal de départ à la pension. Sur ce dernier point, nous regrettons que les mesures du gouvernement Michel ne soient pas remises en cause (le départ à la pension à 67 ans par exemple). En terme d’égalité de genre, nous tenons cependant à souligner l’étude du principe de splitting des droits de pension qui est prévu par l’accord gouvernemental.
– Le renforcement du 2e pilier des pensions : Nous alertons face à la tendance inchangée de ce nouveau gouvernement de tabler sur le 2e pilier des pensions (pensions complémentaires) afin de renforcer notre système de pensions. L’accord dit : « En ce qui concerne le deuxième pilier des pensions, l’objectif est de le généraliser davantage. [….] Dans le même temps, les partenaires sociaux sont invités à réfléchir à la manière dont chaque salarié peut être couvert dans les meilleurs délais par un régime de retraite complémentaire comportant une cotisation d’au moins 3% du salaire brut. » Il s’agit là d’un pas vers une marchandisation plus poussée de la Sécurité sociale, le 2e pilier se fondant sur les assurances privées. Nous réitérons l’importance de renforcer la pension légale (le 1e pilier).
– La pension à temps partiel : L’accord stipule la volonté de poursuivre le projet de la pension à temps partiel : « Afin d’augmenter la durée effective de carrière des salariés, des mesures seront prises concernant les modalités de fin de carrière. Ceci peut être réalisé, entre autres, par la pension à temps partiel […] ». Si le gouvernement Vivaldi décide de reprendre les fondements du projet entamé par l’ancien Ministre des Pensions Bacquelaine, nous pouvons d’ores et déjà dire que les conditions d’accès à cet aménagement de fin de carrière sont trop exigeantes pour les femmes mais également que la pension à mi-temps désavantage les bas revenus.
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Lutte contre la pauvreté et accès aux droits
Nous remarquons avec intérêt l’intention du gouvernement Vivaldi d’élaborer « un plan ambitieux de lutte contre la pauvreté […] en concertation avec les organisations de lutte contre la pauvreté, les entités fédérées, et d’autres parties prenantes ». À cet égard, nous soulignons tout particulièrement l’élément suivant : « La simplification administrative et la levée des obstacles se posant aux personnes vivant dans la pauvreté représentera un pan important du plan ainsi qu’une attention particulière à la pauvreté infantile, et aux familles monoparentales ». L’accord manque cependant de préciser quels sont les obstacles précis qu’il compte éliminer. De plus, il est indispensable d’adopter une vision intersectionnelle de la précarité et de se focaliser sur le vécu pluriel de celle-ci par les personnes précarisées. Nous ne manquerons pas de veiller sur l’élaboration de ce plan afin que la précarité au féminin soit intégrée au projet. Nous appuyons donc sur l’importance de prendre en compte les spécificités des femmes, des personnes racisées, des personnes en situation de handicap ou encore des personnes âgées. Nous tenons à souligner également la lutte contre le non-recours aux droits sociaux : « Le Gouvernement mettra fin autant que faire se peut au non-recours aux droits et poursuivra ses efforts pour automatiser les droits sociaux. Ceux-ci seront au maximum octroyés sur la base du revenu et non du statut ». Pour finir, nous attendons du gouvernement de revaloriser les allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté et nous martèlerons en faveur de la suppression du taux cohabitant·e qui précarise incroyablement les usagères·ers de la protection sociale.
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Budget et fiscalité
En terme de fiscalité, la politique annoncée ne marque pas de réelle rupture avec les tendances néolibérales précédentes. En effet, malgré l’annonce d’une réforme fiscale, le gouvernement Vivaldi ne s’engage pas formellement vers une réforme pour plus de justice fiscale (via la taxation des grandes fortunes, la taxation des actions, la globalisation des revenus, etc.). Au niveau du budget prévu, l’accord de gouvernement expose ceci : « À partir de 2022, un effort variable sera fixé chaque année. Il dépendra de la croissance économique et de la reprise économique. Lorsque l’économie belge se sera suffisamment rétablie de la crise et que l’économie repartira selon sa croissance potentielle, l’effort variable sera de 0,2 % du PIB par an. Si la croissance économique est plus faible, l’effort variable sera moindre. Si la croissance économique est plus élevée, il sera plus important ». Nous veillerons à ce que l’effort budgétaire annuel de 0,2% du PIB ne précarise pas davantage les individus et n’affaiblisse pas les acquis sociaux.
Les politiques familiales
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Service des Créances Alimentaires (SECAL)
Le Gouvernement annonce vouloir mettre en oeuvre au plus vite les recommandations formulées par la Cour des Comptes à l’égard du SECAL. Nous ne pouvons que nous en réjouir car la Cour des Comptes a pointé des dysfonctionnements que nous, Soralia et autres membres de la plateforme associative des créances alimentaires, ne cessons de dénoncer. Le Gouvernement ne précise pas si toutes les recommandations seront prises en compte mais il y a bon espoir que, prochainement, le SECAL dispose enfin des moyens suffisants pour répondre correctement à la problématique à laquelle il est sensé pallier.
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Articulation vie privée-vie professionnelle
Le Gouvernement lance plusieurs pistes à ce niveau mais sans entrer suffisamment dans les détails. Nous en sommes donc réduit·e·s aux suppositions face à des affirmations du type : « Nous examinons, dans le cadre des compétences fédérales, quelles entraves financières et autres nous pouvons supprimer afin de leur permettre de concilier plus facilement vie professionnelle et vie familiale ». S’agit-il par exemple du montant peu attractif de l’allocation d’interruption versée par l’ONEM dans le cadre du congé parental ? S’agit-il par exemple d’assouplir définitivement la procédure d’obtention du congé parental à l’image de ce qui se fait actuellement avec le congé parental « spécial quarantaine » ? Ce ne sont pas les idées qui manquent pour améliorer l’articulation vie privée-vie professionnelle des parents mais nous devrons être vigilantes à ce que les mesures prises combattent réellement, au lieu de renforcer, les inégalités de genre dans ce domaine.
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Articulation vie privée-vie professionnelle (bis)
Suite à la crise du coronavirus, le nouveau Gouvernement semble enclin à se pencher sur la question du télétravail. L’accord dit : « Il existe une forte demande de la part des employeurs et des travailleurs pour pouvoir continuer à travailler de cette manière ». Les mères de famille qui sont majoritaires à avoir jonglé, pendant le confinement, entre les enfants et le boulot, sont-elles du même avis ? Le télétravail ne constitue pas la panacée pour permettre une meilleure articulation vie privée-vie professionnelle. Il doit s’accompagner de mesures complémentaires (par exemple : un congé parental souple) et surtout prendre en compte le déséquilibre persistant dans la répartition des tâches ménagères et des soins aux enfants.
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Congé de co-parentalité (aussi appelé congé de naissance ou de paternité)
Le Gouvernement est clair sur ce point : « Le congé de naissance sera prolongé graduellement, pour passer de 10 à 20 jours ». Enfin une mesure réellement concrète et attendue depuis longtemps par beaucoup de familles et d’associations comme la nôtre ! Cela ne nous empêchera pas de continuer, par ailleurs, à militer pour un congé de co-parentalité d’une durée égale à celui du congé de maternité. Ces 20 jours annoncés sont une première bonne étape déjà franchie.
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Familles monoparentales
Celles-ci sont mentionnées comme point d’attention à avoir dans la lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons qu’approuver ce focus particulier. Le recours aux droits et l’emploi durable sont aussi soulignés comme axes de ce plan de lutte contre la pauvreté. Cela fait sens par rapport aux familles monoparentales car elles sont particulièrement discriminées dans ces deux matières.
La santé
La crise sanitaire et les soins de santé sont les premiers points traités par la déclaration politique. Le gouvernement Vivaldi reconnait « qu’une transformation de notre système de santé doit être amorcée » pour prendre – enfin – les problèmes de santé publique à bras le corps. Globalement, les intentions et la « vision » du gouvernement vont dans la bonne direction. Par contre, elles sont généralement assez floues, c’est-à-dire qu’elles sont assez peu accompagnées de mesures concrètes que l’on peut évaluer. Dès lors, les Soralia expriment un mélange de satisfaction et de vigilance.
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Refinancement des soins de santé
La crise sanitaire du Covid-19 a mis en lumière le désinvestissement de notre secteur des soins de santé. Les périodes d’austérité consécutives sous les précédentes législations ont considérablement affaibli le système de santé belge. Les budgets globaux en santé n’ont cessé de diminuer pour atteindre un taux de croissance réel moyen de 0.2 % sous le gouvernement Michel sur la période 2014-2018. Cette baisse de la norme de croissance sous la « Suédoise » a constitué un désinvestissement massif du secteur. Le gouvernement Vivaldi tire les bonnes leçons de la crise sanitaire en augmentant la norme de croissance : « Elle sera fixée à 2,5% à partir de l’année 2022 ». Soulignons cependant le flou qui entoure la norme de croissance pour l’année 2021 à venir : « Pour l’année 2021, la norme de croissance légale sera déterminée sur la base des estimations techniques de l’INAMI, compte tenu de possibles corrections techniques ». Par ailleurs, le gouvernement Vivaldi annonce « un financement complémentaire significatif des soins de santé, en plus de la norme de croissance légale » tel que le fonds « blouses blanches », une rémunération correcte des travailleuses·eurs et un budget pour les soins de santé mentale (pour un total de 1,2 milliards d’euros). Nous saluons ces efforts mais nous nous interrogeons sur la source de financement de ceux-ci.
De plus, les financements annoncés ne suffiront pas à remplir la volonté de réduction de 25% des inégalités en matière de santé. En effet, la marge dégagée est insuffisante pour initier de nouvelles politiques en la matière car la croissance de 2,5% équivaut tout simplement à une croissance normale des dépenses de santé (à politique constante). Cette norme de croissance, plus élevée que ces dernières années, ne suffira donc pas à refinancer les soins de santé et répondre aux défis actuels de notre société (vieillissement de la population, prise en charge préventive, maladies chroniques, etc.) sans compter les dépenses liées à la gestion du coronavirus.
En termes de financement global, on remarque une volonté forte (exprimée à plusieurs reprises dans la déclaration) concernant le développement des innovations et de la numérisation des services dont les soins de santé font partie. Cela questionne : ne serait-il pas plus avantageux d’investir dans les domaines fondamentaux de la santé qui appellent à l’aide depuis de nombreuses années, de les renforcer sur de meilleures « bases », avant de se lancer dans une révolution électronique (amenant elles-mêmes les questions de fracture numérique, etc.) ? Sachant que le financement de la santé est à deux vitesses, entre l’annonce d’une hausse de la croissance et des budgets complémentaires, et la volonté de faire des économies (le terme « économie » n’apparaissant curieusement jamais dans le texte) telles que la réduction de la surmédicalisation, des suppléments d’honoraires, de réintégration à l’emploi des malades chroniques, etc.
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Santé mentale
Les Soralia et la Soféliasaluent la prise en compte concrète de la santé mentale par le gouvernement Vivaldi et leur volonté de collaborer avec les entités fédérées, qui est primordiale sur le terrain : « Les soins de santé mentale seront traités de la même manière que les soins de santé somatiques en termes d’accessibilité, de qualité et de proximité et d’accessibilité financière. À cet égard, l’accent sera mis sur des soins très accessibles, en ambulatoire et en institution qui rencontrent les besoins de soins des personnes. Le Gouvernement s’efforcera d’élaborer une trajectoire pour les soins de santé mentale avec les autres niveaux de pouvoir».
L’accessibilité des soins psychologiques, le développement des équipes mobiles et des soins psychiatriques répondent à plusieurs revendications du secteur de la santé mentale. De plus, faciliter l’accès aux soins psychologiques permet de lutter contre le report de soins de manière générale. Les Soralia et la Soféliaremarquent un effort de concertation non-négligeable avec le secteur professionnel et les organisations de patient·e·s pour faire entendre leurs voix (trajectoire pluriannuelle pour définir et mettre en oeuvre les priorités de la nouvelle politique en la matière, commission de conventions transversale à l’INAMI). Toutefois, nous nous questionnons sur la création ou non de nouveaux emplois en santé mentale, pour à la fois, alléger la surcharge de travail des professionnel·le·s et, à la fois, soigner correctement les patient·e·s (de plus en plus nombreuses·eux depuis le début de la pandémie). Le budget alloué à la santé mentale sera-t-il suffisant pour couvrir ces mesures sur le long terme ? Enfin, nous demandons que le gouvernement reste attentif au contexte global de précarité vécu par certains publics (chômage, burn-out, etc.) qui exacerbe les maladies mentales. Qu’en est-il de l’impact du télétravail généralisé sur le bien-être des femmes (charge mentale, équilibre vie privée/professionnelle, environnement anxiogène, etc.) ? Sachant que les traitements des maladies mentales sont souvent longs, avec des rechutes, et peuvent durer tout une vie, que penser de la démarche « evidence based medecine » qui prévaut de ne prendre en charge (sur fonds publics) que des soins qui ont apporté la preuve de leur efficacité ?
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La première ligne de soins ou les « métiers essentiels » à haute utilité sociale
Les Soralia et la Soféliafélicitent le gouvernement qui reconnait enfin – après une crise sanitaire mondiale – que « nous avons besoin de personnel soignant en suffisance et qu’il doit également être mieux valorisé ». Ainsi, l’accord veut revaloriser et renforcer la première ligne avec un accent mis sur la prévention, la promotion des rôles de médecins généralistes, infirmières·ers et des pharmacien·ne·s. L’accent est mis sur une meilleure attractivité de la formation d’infirmières·ers via des stages contractuels afin d’augmenter les effectifs médicaux. Or, une revalorisation de ce métier essentiel passe davantage par une meilleure rémunération générale et non pas uniquement durant un stage étudiant… Les Soralia et la Soféliaseront attentives aux mesures prises par le gouvernement en concertation avec le Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail par rapport à l’amélioration des conditions de travail dans les secteurs-clés et les services essentiels (pénibilité, compatibilité vie privée et professionnelle, etc.). De manière plus générale, nous saluons la vision sur la santé moins centrée sur l’hôpital et les spécialistes mais davantage sur la première ligne de soins, les paramédicales·aux et l’ambulatoire. Toutefois, les Soralia et la Soféliaregrettent que le rapport Vivaldi ne fasse pas mention des autres métiers essentiels tels que les services social-santé, les services de proximité et d’aide à la personne (nettoyage, etc.), et des aidant·e·s proches. De surcroit, le rapport ne rend pas compte d’une réflexion par rapport à ces métiers du soin et son écrasante féminisation, qui connait pourtant des inégalités socio-économiques et de genre propres à ces réalités.
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La sur- et sous- médicalisation
La surmédicalisation (des soins et des médicaments) est un des nombreux combats du gouvernement Vivaldi. Les Soralia et la Soféliaabondent dans ce sens car il en va de la santé des femmes, généralement plus victimes d’une surmédicalisation de leurs vies. Si elle est effective, cette lutte contre la surmédicalisation permettra une meilleure santé des femmes (à condition de prendre le facteur genre en compte dans l’équation) et de la population, une meilleure gestion du budget de la Sécurité sociale et des effets bénéfiques pour l’environnement. Concernant la sous-médicalisation, les Soralia et la Soféliapeuvent difficilement se positionner car elle n’est mentionnée qu’une seule fois sur 84 pages, à la fin d’un paragraphe en une seule et unique phrase : « la sous-consommation des soins doit aussi être une priorité ». Nous regrettons ce manque de clarté qui laisse l’amère impression que la priorité est davantage financière et non l’amélioration de la santé de certains publics (dont les femmes sont majoritaires dans le report des soins par manque de moyens financiers).
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Les médicaments et les firmes pharmaceutiques
Il est évident que le nouveau gouvernement veut combattre les surcoûts médicaux tels que la surmédicalisation ou les suppléments d’honoraires. Les Soralia et la Soféliarejoignent Solidaris et regrettent que Vivaldi n’ait pas une meilleure maitrise du budget des médicaments en limitant davantage le pouvoir des firmes pharmaceutiques (et non la création d’une nouvelle plateforme de concertation uniquement pharmaceutique). Sachant que les firmes pharmaceutiques sont responsables d’une grande partie des dépenses de la Sécurité sociale (avec des « nouveaux » médicaments très chers), et dans la visée des réductions de coûts médicaux actée par le gouvernement, nous rejoignons Solidaris sur le fait qu’il est « crucial de sécuriser le budget pour les médicaments innovants afin d’arrêter les dépassements devenus structurels. Pour le bien de la population et des dépenses de la sécurité sociale ». Les efforts ne doivent pas être consentis qu’en aval mais également en amont de la « chaine du médicament ».
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Handicap et maladies chroniques
Les Soralia se méfient de la volonté du gouvernement de réduire les dépenses dans les incapacités de travail tout en renforçant l’activation des malades de longue durée sur le marché de l’emploi avec un contrôle de ces patient·e·s par les organismes assureurs. Les mutualités sont des contre-pouvoirs des questions sociales et des droits à la santé, accessibles à tou·te·s. Nous sommes en droit de nous demander s’il s’agit là d’une véritable politique de réintégration professionnelle des malades de longue durée ou d’une politique répressive à des fins purement économiques ?
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Droits sexuels et reproductifs
« Le Gouvernement supprimera les barrières entravant l’accès à la contraception. » Cette annonce est un pas dans la bonne direction mais à ce stade, rien n’est précisé quant aux actions concrètes envisagées. Soféliarappelle que la suppression des barrières entravant l’accès à la contraception (dont la contraception d’urgence) passe notamment par une dérogation à la loi sur les médicaments pour que l’ensemble des professionnel·le·s de l’équipe pluridisciplinaire formée des Centres de planning puissent délivrer la contraception et la contraception d’urgence. Par ailleurs, l’accord statue que « en ce qui concerne le traitement des propositions de loi sur l’avortement pendantes à la Chambre, il convient de poursuivre leur examen en Commission Justice de la Chambre, et – après qu’un comité scientifique multidisciplinaire (désigné par les partis au Gouvernement) ait mené une étude et une évaluation de la pratique et de la législation – de continuer les travaux de manière constructive pour qu’un consensus se dégage entre les partis du Gouvernement et dans l’attente, de ne pas procéder au vote. ».
Il est déplorable de voir ce dossier renvoyé une nouvelle fois en Commission Justice de la Chambre, alors que de nombreuses auditions d’expert·e·s et débats ont déjà eu lieu ces dernières années et ces derniers mois. Comme nous le savons, cet enjeu fondamental en matière de droits des femmes a fait l’objet d’un marchandage politique dans le cadre de la formation de cette coalition, or les droits des femmes ne sont pas négociables. L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est une question de santé publique et doit être reconnue comme telle. Pour ce faire, il est primordial de supprimer les sanctions pénales tant à l’égard des femmes que des médecins en cas de non-respect des conditions strictes imposées par la loi. Notons aussi qu’n améliorer l’accès est essentiel, notamment en allongeant le délai légal dans lequel l’IVG peut être pratiquée à 18 semaines de conception et en supprimant l’obligation d’un délai de réflexion entre le premier rendez-vous et le jour de l’IVG.
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Une santé globale et féministe ?
Les Soralia et la Soféliaregrettent l’absence d’une prise en charge globale, préventive et interdisciplinaires des soins de santé qui éviterait les surcoûts pour les patient·e·s et la Sécurité sociale, la surmédicalisation inutile suite à des errances de diagnostics (qui touchent d’ailleurs davantage les femmes), etc. En effet, le rapport ne fait pas état d’une réduction de la parcellisation des politiques publiques alors qu’une approche intersectorielle des politiques publiques en matière de santé (Health in all policies et Gender mainstreaming combinés) apporterait des résultats favorables sur le budget et la santé des femmes. « La Santé dans Toutes les Politiques » constitue une stratégie intersectorielle importante dans l’amélioration de la qualité de vie des populations et la diminution des inégalités sociales de santé. Le Gender Mainstreaming poursuit également les mêmes finalités. De manière générale, les groupes les plus vulnérables, dont font partie beaucoup de femmes, doivent être mis au centre des stratégies politiques. En les touchant elles, c’est la santé de l’ensemble de la population qui est touchée. Nous parlons de la santé des femmes mais celle-ci n’a jamais été abordée explicitement dans le rapport, contrairement à une lecture genrée des discriminations à l’emploi ou la pauvreté (que nous saluons par ailleurs). Il est dommage que la santé des femmes soit « l’angle mort » des mesures d’égalité du genre car l’objectif de réduction de 25% des inégalités de santé concernent fortement les femmes. Elles vivent plus longtemps mais plus rapidement en mauvaise santé. Les signaux du gouvernement en matière de santé des femmes ne sont guère réjouissants. Après avoir délibérément mis de côté les femmes qui sont ou seront confrontées à une IVG, est-ce que le gouvernement n’oublierait pas tout simplement la santé de toutes les femmes dans ces mesures ?
Questions transversales
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Égalité des genres et droits des femmes
« Le Gouvernement mènera une politique active en matière d’égalité des genres et une politique volontariste qui s’attaquera aux déséquilibres structurels et historiques. Son monitoring sera renforcé. » Cet engagement est un point positif mais celui-ci manque de clarté. Dans e cadre, nous nous réjouissons par ailleurs de la volonté d’adapter la législation pour que « toute personne décide elle-même de son identité sexuelle ». Il est par contre regrettable que les termes employés soient totalement inadaptés. En effet, l’identité sexuelle n’existe pas, il s’agit en réalité d’identité de genre (à ne pas confondre avec l’orientation sexuelle). Cette confusion démontre qu’un travail de sensibilisation du grand public et des professionnel·le·s sur les questions LGBTQI+ est plus que nécessaire pour lutter, notamment, contre les stéréotypes, le manque d’informations et la désinformation. Par ailleurs, au-delà du congé de co-parentalité, nous notons la volonté d’améliorer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la mixité dans l’administration et les entreprises publiques, de soutenir l’entrepreneuriat féminin ainsi que de renforcer l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, de nombreuses questions se posent à la lecture de cet accord en terme de droits des femmes. Ceux-ci ne sont nommés en tant que tels à aucun endroit. Aucun volet spécifique ne leur est dédié. Pourquoi, alors que cela est le cas dans les autres niveaux de pouvoir ? Par ailleurs, comme nous l’avons déjà constaté ci-dessus, l’accord ne reflète pas la transversalité des enjeux en la matière (emploi, pensions, santé, lutte contre la pauvreté, etc.). Enfin, ce chapitre très succinct concernant l’égalité des genres liste surtout quelques mesures sans véritable connexion entre elles, qui manquent de concret et d’ancrage plus global et transversal.
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Violences faites aux femmes
« Le Gouvernement fera de la lutte contre la violence de genre une priorité. La convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique servira de ligne directrice à cet égard. » Nous nous réjouissons de voir que la lutte contre les violences faites aux femmes est envisagée comme l’une des priorités du prochain gouvernement. Il est plus que temps que la Convention d’Istanbul, traité européen contraignant, soit appliquée et respectée, au-delà d’être une ligne directrice. En effet, encore aujourd’hui, la Belgique bafoue certaines de ses dispositions. Nous reconnaissons cependant les engagements pris : accès facilité à l’aide pour les victimes, renforcement de la formation des services de police et des services de soins de première ligne, approche coordonnée et intégrale, mention des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles, inclusion potentielle du terme féminicide dans le nouveau Code pénal. Mais ceux-ci sont loin d’être suffisants. Récemment, le Grevio, comité d’expert·e·s en charge d’évaluer la mise en application de la Convention d’Istanbul, a rendu son rapport détaillé à la Belgique.
Parmi les actions les plus urgentes à mettre en oeuvre, nous retrouvons :
– « Prendre des mesures pour assurer que les politiques et mesures de mise en oeuvre de la Convention d’Istanbul intègrent une perspective de genre […], en reconnaissant le lien systémique entre la violence à l’encontre des femmes et une organisation historique de la société fondée sur la domination et la discrimination des femmes par les hommes, qui défavorise aujourd’hui encore de manière disproportionnée les femmes. »
– « La publication de statistiques relatives aux violences genrées, ainsi que leur évolution. »
– « Le soutien apporté aux victimes, à commencer par la nécessité d’hébergement : les places d’accueil devraient être en nombre suffisant, et un accès gratuit aux refuges devrait être garanti à toutes, quel que soit leur statut, ce qui implique aussi les demandeuses d’asile et sans papières. »
Or, aucun de ces points n’est abordé dans l’accord, ce qui est déplorable. Aucune loi-cadre n’est prévue à ce stade, la collaboration avec les associations féministes et de terrain n’est pas mentionnée ni la récolte de statistiques, l’augmentation des places d’hébergement ou encore l’intégration des violences dans une véritable perspective de genre. Par ailleurs, l’accord omet totalement le volet prévention et le volet information à destination des victimes de violences sur leurs droits et ressources disponibles, pourtant fondamentaux.
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Solidarité internationale
Concernant l’asile et la migration, le ton adopté dans cet accord marque une première rupture avec la politique adoptée lors de la précédente législature. « Chaque nouvel arrivant — comme notre société dans son ensemble — a droit à une politique d’asile et migratoire juste. » L’accord s’attache à la mise en place de procédures correctes et à un accueil de qualité adéquat. L’élaboration d’un code de l’asile et de la migration est prévue et il y a une volonté d’intensifier la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains. Toutefois, certaines incohérences et contradictions persistent. L’accord emploie les termes de « personnes en séjour illégal », ce qui reflète une certaine vision que nous ne rejoignons pas, alors que l’Union européenne parle de « personnes en situation irrégulière ». Les retours forcés sont toujours à l’ordre du jour, or ceux-ci ne constituent pas une solution, ainsi que la création de nouveaux centres fermés. Aucune mesure n’est proposée pour venir en aide et accompagner les 150.000 personnes sans-papiers présentes en Belgique. Les situations de violence en contexte de migration ne sont pas abordées. Il sera donc important de veiller à la mise en oeuvre des mesures progressives édictées par cet accord, tout en continuant à lutter pour une politique migratoire humaine et durable.
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Environnement
– Climat : « Dans le Green Deal et sa proposition de loi climat, la Commission plaide pour une diminution des gaz à effet de serre d’au moins 55% pour 2030 et la neutralité climatique pour 2050. Le Gouvernement fédéral soutient résolument ces ambitions européennes. Il s’impose comme objectif une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et prend dans sa sphère de compétences les mesures en ce sens. » L’accord mentionne la création d’un plan d’action, en concertation avec les entités fédérées et dont les objectifs seront évalués chaque année. C’est une avancée importante en comparaison à la législature précédente. Nous pressons cependant le gouvernement à agir dans ce sens, puisque l’accord de Paris sur le climat indique, quant à lui, une réduction de 65% des émissions d’ici 2030 et la neutralité carbone dès 2040.
– Énergie : « Le Gouvernement reconfirme résolument la sortie du nucléaire » d’ici 2025. « L’arrêt des centrales nucléaires en toute sécurité et la préparation en vue du démantèlement dans un environnement sûr figurent parmi les priorités du Gouvernement. » Le nouveau gouvernement s’engage donc à développer les énergies renouvelables, notamment l’énergie éolienne en mer. Celui-ci souhaite également analyser la fiscalité « en vue de la rendre plus favorable au climat et à l’environnement ». Le gouvernement souhaite tendre vers une économie totalement circulaire et lutter contre l’obsolescence programmée. Cependant, nous déplorons qu’en terme de fonds publics d’aide aux entreprises, aucune condition climatique et sociale ne soit mentionnée.
– Mobilité : « En collaboration avec les Régions, le Gouvernement misera par conséquent sur les mobilités douce, collective et multimodale. Cela impliquera plus particulièrement de nouveaux financements pour mettre la SNCB et Infrabel en état de procéder aux investissements nécessaires à un transfert modal durable. » Nous soutenons les mesures envisagées au sein de cet accord en terme de mobilité douce mais rappelons qu’il est nécessaire de s’assurer que celle-ci soit accessible à toutes et à tous et abordable financièrement.
Globalement, nous appelons ce nouveau gouvernement à être attentif à l’articulation entre les enjeux écologiques et sociaux, en tenant compte des indicateurs sociaux et en intégrant l’ensemble de la population et leurs spécificités dans la lutte contre le changement climatique, au regard de leurs conditions socio-économiques, avec une attention plus particulière pour les personnes en situation de pauvreté. Ce lien ne nous semble pas suffisamment établi dans l’accord.
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Démocratie
« Le Gouvernement entend renforcer la confiance des citoyens dans la politique et l’idée qu’elle est une force positive, en faisant du renouveau politique et démocratique une priorité. Le fonctionnement démocratique doit être modernisé dans le sens d’une simplification et d’une ouverture à de nouvelles formes de participation. Cela représentera aussi un enrichissement de notre démocratie représentative via une participation plus directe des citoyens dans le processus de décision politique. » L’accord prévoit un renouveau démocratique, accompagné d’un ensemble de mesures visant à inclure davantage les citoyen·ne·s dans la politique. Nous nous en réjouissons et encourageons le gouvernement à poursuivre activement cette réflexion.
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État électronique
Ce terme est fort et sans équivoque, le Gouvernement est bien décidé à pousser au maximum à la numérisation des procédures et services publics. L’État s’engage toutefois à ce que les services publics restent « accessibles à tous, y compris aux citoyens ayant peu de compétences numériques, de faibles revenus ou un handicap ». Nous avons pu constater ces derniers mois à quel point le numérique peut être un facteur d’exclusion et de complexité pour nos publics. D’après l’Unicef, on compte 12% d’hommes en plus que de femmes sur Internet et cette différence s’accentue lorsque la situation socio-économique de la population est défavorable. Notre vigilance sera nécessaire pour ne pas laisser la fracture numérique se poursuivre et s’aggraver davantage dans les années à venir.