Chers réseaux sociaux, à quand un réel engagement pour lutter concrètement contre le harcèlement sexiste en ligne ?

Chers réseaux sociaux, à quand un réel engagement pour lutter concrètement contre le harcèlement sexiste en ligne ?

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Chers réseaux sociaux,

Suite à l’actualité récente du groupe Louvain-le-mec sur ta plateforme, cher Facebook, nous avons pu constater, encore une fois, que tu as raté le coche en matière de modération de contenus haineux et sexistes. Ce n’est pas une première pour ce genre de groupes dont le but est, au choix, de se moquer des femmes et des minorités de genre et/ou de les humilier via des publications de photos non-consenties. Ils ont déjà été mis à maintes reprises sur le devant de la scène médiatique : rappelons-nous l’existence de Babylon 2.0. ou encore de Femmes indignes. Ces groupes n’existant plus à l’heure actuelle, force est de constater que « l’esprit » qui les anime, lui, persiste encore bel et bien.

De ton côté, Twitter, tu n’es évidemment pas en reste, laissant du harcèlement persister, jusqu’à ce que les concerné·e·s n’en puissent plus et décident de quitter ta plateforme, comme ce fut le cas de Margaux De Ré en octobre dernier ou encore de Cécile Duflot début décembre. Et ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres, exemples qui ont le privilège d’être visibilisés car ils concernent des personnalités publiques. Mais combien d’autres femmes* quittent également ta plateforme au quotidien ?

Car oui, le harcèlement sexiste en ligne concerne toutes les femmes*, peu importe le milieu culturel, économique et social, et pas uniquement si elles sont « visibles » sur vos plateformes. Il s’agit là d’un miroir de notre société sexiste, exacerbée par vous, chers réseaux sociaux. Alors que l’accès à internet est de plus en plus considéré comme un droit fondamental, si nous ne voulons plus être harcelées, vous nous poussez à nous déconnecter, supprimer nos contenus, nous autocensurer.

Quand ce n’est tout simplement pas vous qui censurez nos contenus… Vous, réseaux sociaux, laissez passer sans problème des cas de harcèlement grave, ou des humiliations sur des groupes (même signalés), alors  qu’en parallèle, votre censure des corps bat son plein. Les tétons, si vos algorithmes jugent qu’ils appartiennent à un corps de femme, sont immédiatement retirés.

C’est à se demander si tu n’as pas une modération à deux vitesses, cher Facebook. Malgré ta (très) longue liste de « standards de la communauté », accessible à tou·te·s tes utilisatrices·teurs, les règles entourant ta politique restent opaques et contradictoires. Tu prétends, par exemple, prendre plus au sérieux les menaces et insultes envers les minorités ethniques ou les personnalités publiques. Comment expliques-tu alors que l’actrice noire Lashana Lynch ait récemment désinstallé tous ses réseaux sociaux parce que tu ne supprimais pas les messages racistes et sexistes à son égard ?

« Tout dépend du contexte », nous répondez-vous en chœur, chers réseaux sociaux. Par exemple, une menace de mort sera supprimée seulement si vous l’estimez crédible. Mais qui détermine ce fameux « contexte » ? C’est d’abord une intelligence artificielle qui modère le contenu de façon automatique. Mais comment une intelligence artificielle peut-elle s’assurer de l’intention de la personne derrière un message de haine ? Pareil pour le nu qui disparaitra de la toile s’il s’agit là soit de tétons appartenant à une femme, soit d’une photo prise sans le consentement de la personne. Mais à nouveau, nous pouvons nous interroger sur le bon fonctionnement de cette modération, puisque des dérives risibles tant elles sont dures à croire ont eu lieu, comme la censure d’une publicité … pour des oignons !

Ensuite, le reste du travail est laissé à l’appréciation de modératrices·teurs qui analysent les contenus sensibles ou signalés, en quelques secondes seulement car « chaque minute, en moyenne, pas loin de trois millions de publications sont postées sur Facebook, 400 heures de vidéos mises en ligne sur YouTube et 450.000 tweets envoyés » (source). Ces travailleuses·eurs doivent, à longueur de journée, regarder des contenus publiés sur vos plateformes, allant de propos haineux à des photos sexuelles comme des dickpics, en passant par des vidéos de violences physiques absolument glaçantes. En dehors du caractère stressant et potentiellement dangereux d’un tel travail, comment s’assurer de son efficacité ? Comment savoir que tel contenu mérite bien d’être supprimé quand il s’agit du 100e contenu identique regardé dans la journée ? Comment s’assurer de l’impartialité d’une modération accablée de 100 fois la même image, 100 fois les mêmes commentaires extrêmement violents ?

En attendant que, vous, chers réseaux sociaux, proposiez des solutions adaptées, que pouvons-nous faire, nous, en tant qu’internautes ?

Tout d’abord, en tant que victime de harcèlement, des pistes de réaction existent, comme celles présentées dans le petit guide pratique de Sofélia : fuir le harcèlement en supprimant nos comptes, nous protéger en modifiant la confidentialité de nos contenus, confronter notre·nos agresseur·s ou, à l’inverse, couper court à la conversation, etc. Enfin, nous pouvons aussi contacter le fournisseur internet du harceleur si nous le connaissons pour limiter son accès à internet. Ou encore aller chercher du soutien auprès des lignes d’écoutes (comme le 107) ou auprès des services d’aide psychologique ou juridique des Centres de planning familial.

Il est important de rappeler cependant que, quoi que nous choisissions de faire, la meilleure solution pour nous, à un moment donné, sera celle avec laquelle nous nous sentons le plus à l’aise. De plus, connaître nos droits, notamment face au revenge porn [1], peut toujours s’avérer utile. Même s’il semble que la loi belge ne soit pas toujours de notre côté, puisque la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt précisant qu’une insulte proférée en ligne peut être considérée comme une opinion, ce qui protège son auteur.

Enfin, nous pouvons aussi contacter le fournisseur internet du harceleur si nous le connaissons pour limiter son accès à internet. Ou encore aller chercher du soutien auprès des lignes d’écoutes (comme le 107) ou auprès des services d’aide psychologique ou juridique des Centres de planning familial.

Sans meilleur encadrement de votre part, chers réseaux sociaux, nous voilà pour l’instant bien obligé·e·s de trouver d’autres méthodes, d’emprunter d’autres chemins pour exister en tant que femmes* dans l’espace numérique ! À quand un réel engagement pour lutter concrètement contre le harcèlement sexiste en ligne ?

[1] Le revenge porn est la divulgation publique d’un contenu sexuellement explicite sur Internet sans le consentement de la·des personne·s apparaissant sur ce contenu.

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