2022 rime avec changements pour notre association. En effet, d’une part, la Fédération des Centres de Planning familial des FPS devient Sofélia – La Fédé militante des Centres de Planning familial solidaires, et, d’autre part, notre structure accueille une nouvelle Présidente en la personne de Cécile Artus qui reprend le flambeau d’Anne Spitals. Sa nomination est l’occasion de revenir sur le parcours professionnel de Cécile ainsi que sur les chantiers à venir pour Sofélia. Interview.
Cécile Artus, vous êtes la nouvelle Présidente de Sofélia depuis juin 2022, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ainsi que votre carrière professionnelle ?
J’ai obtenu un master en psychologie à l’Université de Liège ainsi qu’un diplôme complémentaire en administration des affaires. Ce qui m’intéressait fortement dans mes études de psychologie était le fait qu’elles étaient reliées à deux facultés : celle de médecine et celle de philosophie et lettres. Dès le début de mes études, j’ai eu la volonté de travailler avec des enfants et des adolescent·e·s, ce que j’ai fait en consultations au fil de ma carrière.
En 1999, j’ai été engagée comme coordinatrice au sein du Centre de Planning familial de Libramont, lorsque celui-ci a reçu son agrément. J’ai donc été, avec une autre collègue, à l’origine de ce Centre, dont le volume d’activités a augmenté depuis lors. Ensuite, en 2011, j’ai eu l’attribution de la gestion de l’ASBL qui coiffe les 3 Centres de Planning des FPS (désormais Soralia) de la province du Luxembourg, c’est-à-dire Libramont, Marche-en-Famenne (créé en 1995) et Arlon (créé en 1984). La gestion d’une ASBL comme celle-là, où je peux conjuguer à la fois travail de terrain et maniement de budgets, est un emploi qui me convient très bien. C’est un bel équilibre par rapport à ce que j’aime faire.
Par ailleurs, le secteur des Centres de Planning familial est rempli de valeurs qui correspondent à mes valeurs personnelles. Je suis donc en totale adéquation avec ce que je porte en moi comme valeurs et celles que je défends au niveau professionnel.
Quelles sont les raisons vous ayant encouragé à postuler à la nouvelle Présidence de Sofélia ?
À la base, en tant que Vice-Présidente de Sofélia, je ne pensais pas postuler à tout prix comme Présidente. Mais, j’ai été soutenue par les différentes membres du Conseil d’Administration de Sofélia et, être reconnue pour mes qualités professionnelles et relationnelles m’a fait immensément plaisir. Ce mandat de présidence s’est donc mis en place naturellement, sans que je n’ai eu le temps de me poser de questions.
En tant que Présidente, je suis consciente de la charge de travail qui m’incombe et de ses responsabilités, dans un secteur qui est actuellement en mutation où il y a de nombreuses réunions de négociation avec le secteur public et politique. Les défis sont également immenses en ce qui concerne l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à la contraception et à la santé reproductive de manière générale.
En tant que nouvelle Présidente, comment définiriez-vous votre rôle au sein de Sofélia ?
Selon moi, le rôle de présidence a de multiples facettes. D’une part, un rôle de représentation vis-à-vis de l’extérieur, et, d’autre part, le rôle de porter haut et fort les valeurs de la Fédération telles que le respect ou encore la tolérance. En tant que Présidente, j’ai aussi le rôle de porter et mener à bien des combats, comme l’amélioration de l’accès à la santé reproductive féminine. Cela se traduit par la mise en place de campagnes en éducation permanente, comme celle de cette année qui porte sur les menstruations et les tabous qui y sont liés. Dans les combats à mener, il y a celui de l’amélioration de l’accès à l’avortement et à la contraception adéquate pour tou·te·s, et surtout il est primordial que chaque personne puisse accéder aux bonnes informations en terme de santé reproductive.
Une autre facette de la présidence, c’est aussi de pouvoir protéger le secteur dans lequel nous évoluons. Il est important de bien connaitre certains dossiers « techniques » comme celui au sujet des accords du non-marchand et de faire en sorte que, via les décisions prises sur ces dossiers techniques, le secteur ne soit pas mis en danger. Il y a donc aussi un rôle de protection du secteur que je porte en tant que Présidente.
Pour vous, quelles sont les valeurs phares défendues par les Centres de Planning familial affiliés à Sofélia ?
Comme nos Centres sont ouverts à tous les types de publics, nous portons la valeur de ne fermer la porte à personne autrement dit d’être dans la prise en charge professionnelle, de qualité et sans jugement.
Sofélia et ses Centres, en tant que structures féministes, défendent évidemment les droits des femmes et, plus spécifiquement, le droit à la santé reproductive, qui, on le sait, est souvent mise à mal et ce, partout dans le monde. Le secteur du planning familial défend aussi le fait de proposer une offre de services qui peuvent être accessibles à un public fragilisé, ayant des problèmes de mobilité, ou qui se trouve face à des difficultés socio-économiques.
Le travail en Centre de Planning familial est aussi de pouvoir apporter des informations adaptées et correctes, en terme de santé sexuelle et reproductive, lors de consultations dans les Centres ou lors d’interventions extérieures, dans les écoles ou autres institutions. Parallèlement, il y a donc un travail pour démonter les informations erronées et les idées reçues qui circulent en ligne sur nos thématiques de travail, concernant par exemple l’avortement. Il est essentiel que chaque personne ait le droit de recevoir une information précise, correcte et adaptée à son niveau de compréhension.
Enfin, précisons que notre Fédération de Centres de Planning défend le principe de la laïcité, qui consiste en un principe humaniste d’avoir la liberté d’opinion.
Sofélia est définie comme la Fédé militante des Centres de Planning familial solidaires. En prenant en considération les notions de « militantisme » et de « solidarité » qui sont au cœur du travail mené par Sofélia, quels sont les combats féministes prioritaires sur lesquels votre association va être active ces prochaines années ?
Je pense qu’il ne faut pas faire de hiérarchie entre les combats à mener car ils sont complémentaires et il faut donc les mener de front. Ils s’emboîtent comme des pièces d’un puzzle. Nous devons mener le combat de la gratuité d’accès aux produits menstruels en même temps que celui de l’assouplissement du cadre légal entourant l’IVG en même temps que celui de l’accès à une contraception adaptée et accessible à toutes et tous. En parallèle, il est nécessaire de conserver un pilier fédéral des soins de santé. Ce pilier fort et incontournable doit être protecteur pour les populations les plus fragilisées.
La généralisation de l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) est également un idéal à atteindre. Il est donc essentiel de dégager des moyens financiers pour qu’elle soit effective en Fédération Wallonie-Bruxelles. En parallèle, il faut également disposer de davantage de ressources humaines pour l’atteindre, car nous réalisons déjà le maximum d’animations EVRAS possibles avec les équipes actuelles présentes dans nos Centres. S’il faut en dispenser plus, il nous faudra davantage de personnel. Et surtout, que tous ces moyens soient pérennes !
En parallèle, nous menons aussi un travail de lutte contre toutes les formes de violences et il me semble extrêmement important de ne pas laisser pour compte les publics LGBTQIA+ qui doivent être inclus dans le travail des Centres de Planning familial. Ces publics doivent être reçus sans stéréotype et sans jugement de valeur.
Selon vous, y-a-t-il eu des évolutions majeures entre la naissance de la Fédération des Centres de Planning familial des FPS en 1984 et aujourd’hui, cette même Fédération qui devient Sofélia ?
Comme évolution, on peut noter le fait que la coordination se soit professionnalisée. Cela veut dire qu’on peut désormais avoir des échanges avec l’AVIQ, mais aussi avec les Fédérations d’autres secteurs partenaires. Cette professionnalisation favorise aussi le fait que notre Fédération est reconnue sur l’échiquier du secteur et qu’elle entretient d’excellents rapports et des collaborations fructueuses avec les autres Fédérations de Centres de Planning familial. Avoir professionnalisé la fonction de coordination est vraiment une évolution salutaire ! Et cela s’est parfaitement illustré dans des moments compliqués comme ceux vécus durant ces deux dernières années de pandémie liée au Covid-19. Avoir une coordination qui explique à tous ses Centres affiliés ce qu’on peut faire ou ne pas faire en situation de crise socio-sanitaire a été très important.
Notre Fédération est bien structurée, bien assise et la coordination est entourée par des collègues qui permettent de prendre en main des dossiers transversaux et d’assurer la visibilité de notre structure. Il s’agit d’une sacrée évolution, car quand je suis arrivée en 1999, chaque Centre faisait un peu comme il pouvait, dans son coin. Il n’y avait pas de liens forts et organisés entre les 17 Centres comme on peut retrouver aujourd’hui.
Quelles perspectives d’avenir voyez-vous pour Sofélia ?
Nous devons tenir nos engagements sur les dossiers que j’ai cité précédemment (accès à l’IVG, à la contraception et à la santé reproductive de manière générale). En sachant que nous ne sommes pas seul·e·s dans ces dossiers et que nous avons des partenaires à mobiliser. Avec les ressources dont nous disposons, nous faisons du mieux que nous pouvons et toujours dans un esprit de faire fonctionner l’ensemble de nos Centres de planning, avec un focus sur le bien-être et l’épanouissement au travail de chaque collègue.
En guise de conclusion, je suis à la fois chanceuse et fière d’endosser le mandat de Présidente chez Sofélia, parce que ça me permet d’accompagner l’ensemble des collègues qui travaillent sur le terrain dans nos 17 Centres de Planning familial affiliés. Ce sont elles·eux qui diffusent les valeurs de la Fédération, tous les jours. Et ce sont ces collègues-là qui constituent la cheville ouvrière de notre action associative. Sans les Centres de Planning et sans les personnes qui y travaillent, il n’y aurait pas de Fédération.