Le 19 septembre 2024, la plateforme Abortion Right [1], regroupant une vingtaine de structures francophones et néerlandophones défendant le droit à l’avortement en Belgique et plus largement dans le monde organisait une action de grande ampleur dans les rues de Bruxelles. Objectif ? Interpeller les parlementaires sur l’urgence d’adopter une loi améliorant les conditions d’accès à l’avortement en Belgique. Retour sur cette matinée.
9 heures, Saint-Gilles. Bagages à leur bras, foulard mauve accroché à leur cou comme symbole des luttes féministes et tulipes à la main, symbolisant les Pays-Bas, une trentaine de personnes montent dans un bus. Elles représentent les 350 personnes qui, chaque année, doivent se rendre depuis la Belgique aux Pays-Bas pour avorter car elles ont dépassé le délai légal des 12 semaines imposé par la loi belge. Aux Pays-Bas, ce délai est fixé à 24 semaines de grossesse.
Sur le bus est apposé une banderole en néerlandais et en français « Nous allons toujours avorter aux Pays-Bas. Parlementaires, changez la loi ». Cette action fait référence aux bus qui voyageaient vers les Pays-Bas dans les années 1970 afin de permettre aux femmes d’avorter alors que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) était encore illégale dans notre pays. Plus de 50 ans plus tard, certaines doivent encore passer la frontière pour avorter… car dépasser le délai légal des 12 semaines peut arriver à tout le monde. Déni de grossesse, viol, prise de médicaments masquant les symptômes de grossesse, manque de connaissance du fonctionnement de son corps, situation de violences conjugales, etc [2]. Sans oublier toutes celles qui ne peuvent pas s’y rendre.
Pour les femmes qui avortent aux Pays-Bas, tout est à charge de la patiente : 1.200 euros pour l’acte médical auquel il faut ajouter le coût des transports et une éventuelle nuit sur place.
10h30, Place Poelaert. Après un trajet dans les rues de Bruxelles, le bus se gare devant le Palais de Justice. S’en suit un moment de lectures de témoignages de femmes ayant dû se rendre aux Pays-Bas pour avorter. Stationner devant le Palais de Justice est un acte symbolique. Rappelons qu’en 2024, l’avortement est toujours passible de sanctions pénales pour les femmes et les particien·ne·s de l’IVG si l’IVG n’est pas pratiquée dans les conditions imposées par la loi. La plateforme Abortion Right demande aux Parlementaires de suivre le rapport scientifique rendu en avril 2023 par 35 expert·e·s démontrant que la législation actuelle n’est plus en phase avec les besoins des personnes en demande et les réalités du terrain. Il est notamment primordial de reconnaitre l’IVG comme un véritable soin de santé en supprimant les sanctions pénales en cas de non-respect des conditions de la loi, de supprimer l’obligation d’un délai de réflexion de 6 jours entre le premier entretien et l’avortement et d’allonger le délai légal dans lequel il est possible d’avorter de 12 à 18 semaines [3].
Stop au marchandage politique autour du droit à l’avortement
Le 24 septembre, la proposition de loi du Parti Socialiste (PS) améliorant l’accès à l’avortement a été rejetée par la majorité fédérale en formation Arizona (N-VA, CD&V, Vooruit, MR, Engagés). Cette proposition de loi transposait les recommandations du rapport des expert·e·s évaluant la loi belge encadrant l’IVG depuis 2018. La manière dont le dossier relatif à l’avortement a été mis sur le côté par ces partis a été dénoncée par de nombreuses structures de défense du droit à l’avortement. En effet, trois des cinq partis de l’Arizona (Vooruit, MR et Engagés) revendiquent constamment haut et fort la liberté de vote de leurs Parlementaires respectifs dans les dossiers qu’ils considèrent comme « éthiques ». Pourtant, le 24 septembre, en front commun, sur demande de leurs 5 Présidents de partis, elles·ils ont tou·te·s voté contre la proposition de loi du PS. Les 5 partis n’étant pas sur la même longueur d’ondes sur le dossier, ils ont justifié leur positionnement en décidant de rejeter tous les textes à l’agenda du Parlement ne faisant pas consensus entre eux.
Quelques jours plus tard, le 28 septembre, journée mondiale de lutte pour le droit à l’avortement, lors de sa venue en Belgique, le Pape a qualifié l’avortement de « meurtre » et les médecins le pratiquant de « tueurs à gages ». Des propos injurieux envers les femmes et les professionnel·le·s les encadrant. Des dires d’un temps révolu dénoncés par les acteurs de la société civile et nous rappelant qu’il est essentiel de continuer à scander haut et fort que l’avortement est un droit fondamental et que l’interdire n’en diminuera jamais le nombre mais le rendra clandestin et risqué pour la santé et la vie des personnes en demande.
Parlementaires ou personnalités issues d’autres milieux, sachez que les structures de défense du droit à l’avortement continueront à revendiquer haut et fort le slogan « Nos corps, nos choix, nos droits », et ce tant qu’il le faudra !
Crédit photos : Pauline Arnould.
[1] Voir le site de la plateforme Abortion Right dont Sofélia fait partie : Abortion Right – Plateforme pour le droit à l’avortement en Europe et dans le monde.
[2] Les raisons pour lesquelles le délai légal des 12 semaines peut être dépassé sont multiples et variées. A ce propos, voir la brochure « 12 semaines, et après ? Témoignages sur les demandes d’IVG hors du délai légal en Belgique » de la plateforme Abortion Right et du Centre d’Action Laïque : 12-semaines-et-apres-WEB.pdf (laicite.be).
[3] Voir l’entièreté du mémorandum 2024 de la plateforme Abortion Right : Memorandum-de-la-plateforme-Abortion-Right-2023.pdf (abortionright.eu).