La Fédération des Centres de Planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes (Sofélia-Soralia) s’indigne de la manœuvre de la majorité (MR, NV-A, Open-VLD et CD&V) sur le dossier emblématique de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Un accord pour la sortie de l’IVG du Code pénal, dont le contenu exact n’a toujours pas été dévoilé, aurait été trouvé entre partis de la majorité mais moyennant le dépôt rapide d’un projet de loi afin de reconnaitre au fœtus une existence légale ; « concession » faite au Ministre de la Justice CD&V, Koen Geens. Sur base de nombreux échos médiatiques ainsi que du débat tenu en Commission de la Justice en ce mercredi 4 juillet 2018, nous déplorons cette stratégie politique qui ne consacre en réalité aucune avancée pour les droits des femmes.
Certes, ces partis de droite concèdent la dépénalisation de l’IVG et suppriment la notion subjective et paternaliste d’état de détresse initialement prévue comme condition par la loi Lallemand-Michielsens de 1990. Ils proposent des mesures qui restent incomplètes et minimalistes avec un maintien du délai de 12 semaines et le délai de réflexion de six jours qui ne se retrouve que légèrement et artificiellement modifié alors que tous les experts qui se sont exprimés lors des auditions en Commission de justice ont insisté sur la nécessité de modifier ces conditions pour répondre aux besoins des femmes.
Sortir l’IVG du Code pénal permet de sortir d’un schéma de culpabilisation des femmes qui souhaitent poursuivre leur choix et leur droit d’avorter en toute sérénité. Or, donner un statut au fœtus après une grossesse de moins de 180 jours (25 semaines) dans le but de permettre d’enregistrer le fœtus avec prénom et nom pour poursuivre un processus de deuil ouvre la porte à des risques de voir se détériorer la liberté des femmes.
En 2015, quatre propositions de loi avaient déjà été déposées par le CD&V, le CDH, l’Open-VLD et la SP.A concernant la reconnaissance des « enfants dits mort-nés ». Ces propositions réclament des mesures afin d’aider les personnes confrontées à une fausse couche avant le 6ème mois de grossesse. Elles lient le
processus de deuil à l’obtention d’un statut pour le fœtus. Nous refusons toute incitation à déclarer le fœtus dans le registre de naissances. Nous considérons qu’il ne faut pas conférer les attributs d’une personne à un fœtus ou à un embryon. Nous estimons que le processus de deuil est légitime, mais personnel et qu’il ne nécessite donc pas d’encadrement juridique. En effet, tous les parents qui se retrouvent un jour dans cette situation ne ressentent pas le besoin de se soumettre à de telles démarches légales.
En 2016, le texte du CD&V proposait d’abaisser de 25 semaines (180 jours) à 12 semaines (85 jours) de grossesse le seuil à partir duquel un embryon ou un fœtus mort-né peut faire l’objet d’une déclaration de « naissance » à la commune. Cette proposition est une aberration du point de vue médical. Elle a d’ailleurs été dénoncée à de nombreuses reprises par des professionnel(le)s de la santé. Ces 85 jours, à savoir 12 semaines et un jour, correspondent à la limite légale autorisée pour réaliser une interruption volontaire de grossesse, à un jour près. Cet abaissement anéantirait les possibilités d’allongement du délai pour mener un avortement en toute légalité. Abaisser ce seuil entrainerait la possibilité que les équipes médicales se fassent accuser de non-assistance à personne en danger ou d’infanticide si elles ne réaniment pas le fœtus né à 140 jours de grossesse. Nous dénonçons également les risques d’un glissement sémantique entre les termes « fœtus » et « enfant » qui risquent de mettre à mal l’accès à l’interruption volontaire de grossesse et d’accentuer la culpabilité qui pèse sur les femmes.
Soféliasoutient les propositions de loi de l’opposition concernant la sortie de l’IVG du Code pénal et le travail effectué au préalable lors des débats de la Commission de justice. Dans ce sens, nous voulons la suppression de l’IVG du Code pénal et des sanctions prévues à l’encontre des femmes, assortis d’une loi spécifique sur l’interruption volontaire de grossesse, la suppression de l’état de détresse des femmes, l’allongement du délai pour mener un avortement de 12 à 18 semaines, dans les limites des possibilités pratiques des acteurs de terrain dont les Centres de Planning familial ainsi que la suppression de l’obligation de délai de réflexion de 6 jours qui est un frein à l’accès à l’IVG, pouvant être vécu comme une souffrance supplémentaire dans un moment difficile mais également un risque de dépasser le délai dans lequel il est légal d’interrompre une grossesse en Belgique.
Suite au débat de ce mercredi 4 juillet en Commission de justice, la proposition de loi déposée par la majorité (qui semble constituer un recentrage vers les idées portées par la N.VA et une partie du CD&V) ainsi que l’amendement élaboré par l’opposition (regroupant toute une série de mesures sur lesquelles les différents partis se sont accordés) seront discutés sur le fond le mardi 10 juillet 2018, lorsque l’ensemble des parlementaires auront eu l’opportunité de prendre connaissance des textes.
Soféliaexhorte le monde politique et la société civile à s’opposer vivement à la stratégie de la majorité de lier les deux dossiers (IVG et statut du fœtus) et à s’opposer aux propositions de lois existantes sur la reconnaissance d’un statut au fœtus. Nous considérons cela comme un recul par rapport aux avancées prometteuses que pourraient permettre la dépénalisation complète de l’IVG, telle que prévue par les partis de l’opposition. Nous ne devons pas céder à ce chantage politique qui risque, dans le futur, d’ouvrir une porte dangereuse et insidieuse vers la restriction de l’interruption volontaire de grossesse. Car donner un statut au fœtus constitue un moyen de pression visant indirectement à culpabiliser les femmes ayant décidé de ne pas poursuivre une grossesse. L’accès à l’avortement est un droit fondamental devant être accessible à toutes les femmes, sans pression sociale, sans tabou et sans culpabilisation.