Plusieurs études [1] démontrent que les minorités sexuelles sont en proie à des inégalités de santé. Plus particulièrement, le public LGTBQI+ est victime de discriminations en raison de prises en charge inadaptées, car hétérocentrées, et/ou de méconnaissances des professionnel-le-s de la santé [2]. Les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes (FSF) en font partie… Mais quels sont leurs obstacles ? Et quelles pistes d’action peuvent être mises en place pour une meilleure prise en charge ?

Pourquoi parler des FSF?

En parlant de femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes, l’objectif est d’inclure l’ensemble des femmes ayant déjà eu une relation homosexuelle, indépendamment de leur orientation sexuelle. Par ailleurs, seules les femmes dites cisgenres [3] sont concernées par cet article.

Les FSF constituent une catégorie de patientes présentant des spécificités de par leurs pratiques sexuelles. Dans le domaine de la santé, nous le verrons, cela se traduit par une certaine forme de résistance à la prise en charge de la part non seulement des professionnel-le-s mais également des patientes elles-mêmes.

Etat des lieux

Comparé à la population générale, les FSF ont moins recours aux soins, notamment gynécologiques. Les conséquences de cette fréquence de consultations moins élevée sont alors multiples : moins de dépistage par frottis ou par mammographie, moins de dépistage des IST et du VIH,… Elles sont également moins nombreuses à se protéger lors de rapports sexuels. Or, la prévalence d’IST est plus élevée chez les FSF que chez les femmes hétérosexuelles [4]. Il s’agit donc d’une population à risques élevés en matière de santé sexuelle. Et pourtant, leur prise en charge est loin d’être idéale…

Quels obstacles ?

En cause ? Toute une série d’obstacles, dont voici les principaux :

L’hétérosexisme

Notre société considère l’hétérosexualité comme la norme. Mais cela va plus loin encore, puisque l’hétérosexualité tend à être pensée comme supérieure, et donc valorisante. C’est ce qu’on appelle l’hétérosexisme. Dans ce système de valeurs, toute autre forme de sexualité est dès lors niée, dénigrée ou encore stigmatisée, conduisant à l’homophobie. Et nos institutions sont le reflet de ce phénomène : leurs politiques, leurs actions et leurs pratiques tendent à exclure ou à occulter le public LGBTQI+ [5]. Les FSF sont particulièrement touchées par ces discriminations. L’exemple le plus probant est l’idée qu’elles sont épargnées des IST et du VIH, or, cela est totalement faux – pourtant, même les professionnel-le-s de la santé intègrent et/ou véhiculent ce message erroné.

L’invisibilité des lesbiennes et de leurs sexualités

Cette problématique est également liée aux nombreux stéréotypes entourant la sexualité des lesbiennes. Souvent vue comme inexistante (« ce n’est pas du vrai sexe »), celle-ci est totalement banalisée et invisibilisée. Dès lors, comment penser la santé sexuelle des FSF de manière adéquate ? Par ailleurs, cela reflète le patriarcat ambiant, où, dans le champ de la sexualité, l’homme est perçu comme acteur du plaisir. Or, la sexualité entre femmes relève de pratiques sexuelles diverses avec de multiples partenaires au cours de leur vie.

Les lacunes dans le domaine de la recherche

Cette invisibilité est également prégnante dans le domaine de la recherche, elle aussi, hétéronormée. L’absence de chiffres mène, en effet, à une sous-estimation des risques encourus par les FSF mais aussi à une moindre prise en compte de cette population dans les politiques publiques de santé mises en place.

La formation incomplète des professionnel-le-s

Beaucoup de professionnel-le-s manquent toujours d’informations sur la santé sexuelle des FSF. Leur formation n’aborde pas l’homosexualité féminine. Cela concourt à la persistance de représentations erronées mais aussi à une prise en charge inadaptée [6].

La relation patiente-gynécologue

La majorité des patientes FSF mettent en évidence l’importance de développer une relation de confiance avec leur médecin, dans l’optique d’aborder leur orientation sexuelle [7]. Nombre de ces professionnel-le-s rencontrent pourtant des difficultés à aborder ce sujet et/ou présupposent l’orientation sexuelle de leurs patientes. Les FSF doivent donc surmonter de nombreuses craintes : lesbophobie, préjugés, manque de connaissances, focalisation sur leur orientation sexuelle,… Cette réalité mène alors certaines d’entre elles à ne pas consulter, ou du tout moins, à consulter moins fréquemment.

Quelles pistes d’action ?

L’accès à la santé doit être garanti à l’ensemble de la population, en ce compris les minorités sexuelles. C’est pourquoi il est important de lutter contre les inégalités et les discriminations subies par les FSF. Ce combat doit s’articuler autour de diverses actions :

  • Compléter la formation initiale et continue des professionnel-le-s de la santé afin d’y inclure le public LGBTQI+ ;
  • Co-construire cette formation avec le public concerné, tel que les FSF, et les associations spécialisées ;
  • Y inclure les informations nécessaires relatives aux FSF en matière de santé sexuelle (difficultés rencontrées, modes de transmission des IST, moyens de protection) ;
  • Lors des consultations, adopter un vocabulaire inclusif et une attitude d’ouverture, sans préjugés et sans présomption de l’orientation sexuelle de la patiente ;
  • Développer des salles d’attente et de consultation LGBTQI+ friendly ;
  • Développer et soutenir financièrement des campagnes de sensibilisation à destination des FSF ;
  • Développer et soutenir financièrement les recherches sur la santé sexuelle des FSF ;
  • Aborder davantage les questions de genre et d’orientation sexuelle lors des animations EVRAS.

Cet article se base sur l’analyse « Les oubliées de la santé sexuelle : les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes » rédigée par Eléonore Stultjens, chargée d’études aux Soralia.

Plus d’informations ou en recherche d’un-e professionnel-l-e LGBTQI+ friendly ? Rendez-vous sur le site Go to gyneco !

Bibliographie

[1] Les études de Line CHAMBERLAND et Christelle LEBRETON (2013), du PREOS (2012), de Coraline DELEBARRE et Clothilde GENON (2013) ou encore Rosine HORINCQ (2009).

[2] GENON Clothilde, CHARTAIN Cécile et DELEBARRE Coraline, « Pour une promotion de la santé lesbienne : état des lieux des recherches, enjeux et proposition », Genre, sexualité & société, 2009, p. 4.

[3] Dont le genre ressenti correspond au sexe biologique.

[4] GENON Clothilde, CHARTAIN Cécile, op.cit., p. 31.

[5] MONHEIM Myriam et HORINCQ Rosine, « Vers une meilleure accessibilité des soins de santé pour les personnes homosexuelles et bisexuelles ? », Bruxelles Santé, n°38, 2005, p. 21.

[6] PREOS, Vers l’égalité des chances en matière de santé pour les personnes LGBT : le rôle du système de santé, résumé et recommandations, 2012, p. 6.

[7] LAOT Julia, « Coup de projecteur sur la santé des lesbiennes », Analyse Soralia, 2011.

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