Le viol : des informations complètes et pratiques pour mieux le comprendre, l’appréhender et y faire face

On considère trop souvent le viol comme un événement rare, qui n’arrive qu’à des gens que l’on ne connait pas, se produisant dans une allée sombre et dont l’auteur est un inconnu. Pourtant, la réalité est tout autre.

Cette page a pour objectif d’offrir des informations générales sur le viol, mais aussi des informations pratiques. Vous trouverez les contacts de différents services d’aide et d’associations qui existent en Belgique pour soutenir les victimes de viol ainsi que pour accompagner les auteurs.

La notion de consentement

Dans le Code Pénal belge, le viol est défini comme « tout acte qui consiste en ou se compose d’une pénétration sexuelle de quelque nature et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne ou avec l’aide d’une personne qui n’y consent pas » (article 417/11).

Une définition du consentement a ainsi été intégrée (article 417/5) dans le cadre de cette réforme, datant de 2022 :

« Le consentement suppose que celui-ci a été donné librement. Ceci est apprécié au regard des circonstances de l’affaire. Le consentement ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime. Le consentement peut être retiré à tout moment avant ou pendant l’acte à caractère sexuel.

Il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis en profitant de la situation de vulnérabilité de la victime, due notamment à un état de peur, à l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de toute autre substance ayant un effet similaire, à une maladie ou à une situation de handicap, altérant le libre arbitre.

En tout état de cause, il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel résulte d’une menace, de violences physiques ou psychologiques, d’une contrainte, d’une surprise, d’une ruse, ou de tout autre comportement punissable.

En tout état de cause, il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis au préjudice d’une victime inconsciente ou endormie ».

Cette définition du consentement induit plusieurs choses :

  • On prend en compte l’absence de résistance. Cela pourrait par exemple englober l’état de sidération, qui implique que la victime se retrouve plongée dans un état de stupeur qui rend toutes réactions difficiles, tant de verbalisation que de défense physique.
  • Cela implique désormais qu’il y a viol si la victime retire son consentement pendant l’acte et que l’auteur ne stoppe pas la pénétration
  • On prend en compte à présent des situations de vulnérabilité qui couvrent un champ bien plus large qu’auparavant. En effet, on va au-delà d’une déficience physique, mentale ou d’une infirmité en englobant toutes les potentielles situations où une victime pourrait ne pas être en état de consentir : état d’inconscience, de sommeil, de peur, influence de l’alcool, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de toute autre substance ayant un effet similaire.

La charge de la preuve repose sur la victime et le procureur du Roi. Cela signifie que c’est à la victime de prouver qu’elle n’a pas consenti, en vertu du principe de la présomption d’innocence, en apportant un maximum d’éléments. En outre, l’enquête sera menée par le procureur du Roi.

La majorité sexuelle

La majorité sexuelle est fixée à 16 ans, c’est-à-dire qu’un·e mineur·e qui n’a pas atteint l’âge de seize ans accomplis n’est pas considéré·e comme capable d’exprimer librement son consentement (article 417/6).

Cependant, il existe deux exceptions : si le·la mineur·e a entre 14 et 16 ans, il·elle pourra consentir librement à une relation sexuelle si la différence d’âge avec l’autre personne n’est pas supérieure à 3 ans (par exemple 15 ans et 18 ans) ou si l’autre personne est mineure (par exemple 14 ans et 17 ans et demi). La deuxième exception concerne les mineurs·es de plus de 14 ans. Deux mineurs·es de plus de 14 ans peuvent avoir des relations sexuelles avec consentement et ce même s’il y a plus de 3 ans d’écart (par exemple 14 ans et 17 ans et demi). Par contre lorsqu’un·e des deux devient majeur·e, la règle des 3 ans s’applique à nouveau.

Ces exceptions ne sont possible que SI :

  • L’auteur n’est pas un parent, un allié, un adoptant, ou toute autre personne qui occupe une position similaire au sein de la famille, ou qui cohabite avec la·le mineur·e en ayant autorité sur elle·lui ;
  • L’auteur n’occupe pas une position reconnue de confiance, d’autorité ou d’influence ;
  • L’acte n’est pas considéré comme de la débauche / prostitution.

Enfin, la loi considère que les mineur·e·s en dessous de 14 ans ne peuvent pas consentir à un acte sexuel et cela sera automatiquement considéré comme viol ou comme inceste, dépendant de lien avec l’auteur.

Qui est concerné·e ?

En Belgique, presque 10 plaintes pour viol sont déposées chaque jour auprès de la Police (chiffres de SOS Viol de 2018). Mais ce chiffre ne reflète pas la réalité. Il est très difficile d’estimer le nombre réel de viols commis en Belgique car ce que l’on nomme le « chiffre noir », c’est-à-dire les viols qui ne sont pas dénoncés à la police, est probablement très élevé.

Pour tenter de mieux comprendre ce « chiffre noir », consultez l’article « Pourquoi les victimes gardent-elles souvent le silence ? ».

Comme pour toutes les formes de violences sexuellesla majorité des victimes sont des femmes et minorités de genre, mais les hommes peuvent aussi y être confrontés. Les viols à l’encontre des hommes sont un sujet très sensible et tabou. Le nombre d’hommes concernés par ce phénomène est donc très difficile à quantifier précisément.

L’image de l’inconnu prédateur, violeur en série, surgissant au détour d’une ruelle sombre et usant d’une force physique importante ou d’une arme est un cliché. Il en existe, bien sûr, mais selon une étude, dans 49% des cas, les victimes de violences sexuelles connaissent les agresseurs (et ce chiffre augmente encore très fortement lorsque la victime est mineure) et dans 21% des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits.

Quelques chiffres :

  • Entre 2011 et 2018, en France, 000 femmes ont été victimes d’un viol ou d’une tentative de viol en moyenne chaque année.
  • 24,9% des femmes ont été violées ou leur partenaire / conjoint leur ont imposé des relations sexuelles forcées.
  • 79% de personnes de la communauté LGBTQIA+, tous genres et orientations confondus, ont été victimes d’une violence sexuelle.

Le viol conjugal

Le viol conjugal est une des formes de violence exercées par le partenaire intime. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la violence au sein du couple comme « tout comportement qui, dans le cadre d’une relation intime (partenaire ou ex-partenaire) cause un préjudice d’ordre physique, sexuel ou psychologique, ce qui inclut l’agression physique, les relations sexuelles sous contrainte, la violence psychologique et tout autre acte de domination. »

Toutefois, le viol conjugal est une notion qui reste trop largement taboue dans nos sociétés actuelles. Cela s’explique principalement par la notion de « devoir conjugal », c’est-à-dire l’idée que des personnes en couple devraient obligatoirement consentir aux relations sexuelles, qui est une norme encore très présente dans les esprits, même parmi les victimes.

On estime qu’une femme sur quatre est victime, à un moment ou à un autre de sa vie, des violences sexuelles de la part de son partenaire. Et la violence sexuelle au sein d’un couple peut accompagner d’autres types de violences conjugales.

Il est important d’insister que le fait d’être en couple ne remet pas en cause l’importance de la notion de consentement. Être intimes, avoir des rapports sexuels fréquents, habiter ensemble ou être marié·e·s ne justifie pas d’obliger son·sa partenaire à avoir des rapports sexuels ou d’accepter des pratique non désirées.

À noter que la loi prévoit désormais des infractions spécifiques liées à l’inceste (qui concerne les victimes mineures) et aux actes à caractère sexuel intrafamiliaux non-consentis (qui concernent les victimes majeures). Pour ces deux cas, voir notre sous-dossier sur l’inceste.

Quelles conséquences sur la santé ?

Les violences sexuelles, dont fait partie le viol, peuvent avoir de nombreuses et lourdes conséquences sur la santé, aussi bien sur le plan physique que psychologique.

Les conséquences physiques peuvent être, à court terme :

  • Des blessures physiques, en cas d’agression avec recours à la force physique et, dans le pire des cas, la mort ;
  • Des infections sexuellement transmissibles ;
  • Des grossesses non désirées, pouvant aboutir à des avortements, bien qu’un avortement réalisés dans de bonnes conditions ne présente pas de risque physique ;
  • Divers troubles gynécologiques, plus ou moins graves selon la violence de l’agression et/ou la récurrence des faits.

Il existe d’autres impacts, moins connus du grand public, comme par exemples des troubles gastro-intestinaux, musculaires et articulaires, neurologiques, gynécologiques, métaboliques, cardio-vasculaires, risques de cancers, maladies infectieuses, allergiques et auto-immunes, etc.

C’est pourquoi il est nécessaire, en cas de viol, de se rendre le plus rapidement possible chez un·e professionnel·le de la santé ou de se rendre dans un Centre de Prise en charge des violences sexuelles.

Les conséquences psychologiques sont très nombreuses, et leur ampleur varie d’une victime à l’autre, selon les circonstances du viol. Liste non exhaustive :

  • Un sentiment d’entrave et d’obstacle à la liberté, particulièrement à la liberté de mouvement, dû à une peur récurrente ;
  • Un sentiment de solitude et de méfiance envers les autres, pouvant entraîner des problèmes dans les relations (séparation, etc.) et une baisse du nombre de relations sociales ;
  • Divers troubles psychiques (angoisses, manque de confiance en soi, dépression, automutilation, tentatives de suicide) ;
  • Des troubles post-traumatiques (cauchemars, troubles du sommeil, de l’alimentation, de la concentration entrainant des échecs scolaires ou perte du travail) ;
  • Des problèmes psychosomatiques récurrents (maux de tête, maux de ventre) ;
  • Des troubles de la sexualité, comme de grandes difficultés à avoir à nouveau des relations sexuelles.

L’un des troubles psychiques les plus récurrents chez les victimes de viol, comme chez les victimes de violences sexuelles en général, est une forme de « déconnexion » vis-à-vis du monde extérieur, mais également vis-à-vis de ses propres émotions.

Lors d’une agression sexuelle, la victime peut se trouver en état de choc, ce qui paralyse toute activité de son cerveau. Elle est alors dans l’incapacité de réagir de façon réfléchie, reste pétrifiée ou agit de façon automatique. Cet état provoque une surproduction d’hormones de stress (adrénaline et cortisol), ce qui comporte des risques pour la victime (au niveau cardiologique et/ou neurologique). Pour éviter cela, le cerveau provoque une « disjonction », qu’on nomme dissociation traumatique. La victime se sent « déconnectée » et assiste de façon passive à l’événement, comme s’il n’était pas réel.

C’est parce qu’elles subissent des dissociations traumatiques que certaines victimes ont l’air très calmes et détachées, comme si rien ne s’était passé. Cela peut être déstabilisant pour les personnes qui les entourent (témoins, personnes à qui elles se seraient confiées, ou services de police si elles déposent plainte), et cela rend très difficile la détection de ces situations.

Que faire en cas de viol ?

Même si une victime ne souhaite pas porter plainte, il est très important de consulter un·e professionnel·le de la santé le plus rapidement possible après les faits. Cela permettra de passer des tests de dépistages pour les infections sexuellement transmissibles, dont le SIDA/VIH, et de recevoir certains traitements médicaux, comme une contraception d’urgence et d’éventuels vaccins nécessaires.

Pour porter plainte, cela peut se faire via un Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) : la police se déplace sur place et envoie des policiers·es formés·es aux thématiques des violences sexuelles. Mais cela peut également se faire via un commissariat, de préférence là où les faits ont été commis mais tout autre service de police doit également acter la plainte. Une plainte peut aussi se faire en adressant un courrier au Parquet du Procureur du Roi. Pour localiser le service de police : se rendre sur le site internet de la Police et y inscrire le code postal du lieu souhaité.

Il est de l’intérêt de la victime de fournir un récit le plus détaillé possible et que l’audition comprenne le maximum d’éléments requit pour une analyse pertinente des faits par les autorités judiciaires. Le dépôt de plainte donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal dont la victime peut obtenir une copie. Le procès-verbal va ensuite être communiqué au Procureur du Roi. C’est à lui ou au juge d’instruction qu’il reviendra de décider des actions relatives à l’enquête.

Pour aider au dépôt de plainte, la victime peut s’adresser à plusieurs organismes (liste non exhaustive) :

zone de police (police locale) ou de chaque arrondissement judiciaire (police fédérale).

Cette démarche peut se faire avant ou après l’examen médical. Si la victime se rend d’abord auprès des autorités, elles l’orienteront vers un·e médecin légiste ou autre service apte à récolter les preuves.

Plusieurs preuves peuvent être alors collectées par les services compétents afin de compléter le récit déposé auprès de la police ou du Procureur du Roi.

Par exemple, les prélèvements médico-légaux permettent de relever les traces de violences sexuelles. Il permet aux médecins de pouvoir récolter les preuves médico-légales nécessaires. Ces prélèvements doivent être effectués au plus tard 72h après les faits puisqu’au-delà de ce délai, les traces visibles du viol s’estompent et les preuves disparaissent. Il est préférable de ne pas ou peu se laver, pour réaliser les prélèvements tant que les traces restent visibles. Cependant, même si la victime s’est lavée, les traces restantes peuvent toujours être prélevées.

Les vêtements portés au moment des faits seront également demandés car ils peuvent aussi contenir des preuves qui pourront aider à l’identification de l’agresseur/des agresseurs. Il est donc conseillé de ne pas les laver non plus et de les conserver dans des sacs en papier ou en tissu. Les sacs en plastique risquent de faire disparaître les traces.

Une victime peut également directement porter plainte au sein d’un CPVS, ainsi que réaliser les examens médico-légaux nécessaires.

Dans tous les cas, il est important que la victime reçoive un certificat médical attestant des violences, qui peut lui être délivré par tou·te·s les médecins. Il pourra lui servir de preuve d’incapacité de travail et lui sera utile si elle souhaite par la suite déposer une plainte.

Quel est le délai de prescription ?

Comme l’explique SOS Viol dans cet article,

Il serait très compliqué, voire impossible, de faire un tableau des délais de prescription qui soit correct et lisible. En effet d’une part la loi sur la prescription a beaucoup changé et le calcul pour être correct doit prendre en considération la date des faits et les nombreux changements législatifs. En outre, si les infractions à caractère sexuelles ont été modifiées par la nouvelle loi modifiant le Code pénal, le reste du code de même que le Code de procédure pénal n’ont pas – encore – été réformés. Ainsi, les articles 21 et 21 bis du titre préliminaire du Code d’instruction criminel qui concerne la prescription renvoient toujours aux anciens articles du Code pénal de sorte qu’il existe un vide juridique actuellement sur cette question.

Enfin, l’entourage de la victime a également un rôle important à jouer. Cet entourage est particulièrement important et ne sait souvent pas comment (bien) réagir. On pourrait citer le fait de ne pas décider à la place de la victime (« tu dois porter plainte ! »), de ne pas juger, de donner du temps, etc.

Vers qui me tourner ?

Les Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) sont un lieu incontournables. À tout moment, peu importe l’heure ou le jour (24h/24), les CPVS accueillent des victimes de violences sexuelles. Si la victime le souhaite, des professionnel·le·s lui proposeront des soins médicaux, un support psychologique, une enquête médico-légale, éventuellement un dépôt de plainte à la police et un suivi. Tout cela est pris en charge par des professionnel·le·s bienveillant·e·s, spécialement formé·e·s sur la question. La victime bénéficiera de la gratuité de toute une série de soins.

De nombreux autres services se trouvent sur notre page Vers qui me tourner en cas de violences sexuelles ?.

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