La précarité menstruelle, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit du manque d’accès à des produits périodiques à cause de problèmes financiers. Ce phénomène touche avant tout les personnes [1] les plus précaires, c’est-à-dire, sans domicile fixe, aux études ou vivant dans la pauvreté. La précarité menstruelle a de multiples conséquences : risque de développer le syndrome du choc toxique si l’on garde trop longtemps la même protection, mise en danger si l’on en vient à voler des produits, l’obligation de choisir entre se nourrir ou acheter des produits périodiques [2], difficulté pour se (ré)insérer dans le monde du travail, etc.
Cette problématique a récemment été mise en avant en Belgique, notamment par la subvention fédérale de 200.000€ accordée au Conseil des Femmes Francophones de Belgique et au Vrouwenraad, par la ministre Karine Lalieux. La proposition de résolution déposée par Margaux de Ré visant, à terme, à mettre à disposition des protections périodiques dans les écoles primaires, secondaires et supérieures met également sur le devant de la scène médiatique la précarité menstruelle. Si nous saluons ces avancées, il est encore difficile à l’heure actuelle d’évaluer précisément la situation en terme de précarité menstruelle en Belgique.
Sans étude officielle, il est d’ailleurs très compliqué d’estimer à combien revient le fait d’avoir ses règles sur une vie, puisque cela dépend de beaucoup de facteurs et de données qu’il faut prendre en compte : le flux de chacun·e, l’achat d’antidouleurs, de nouveaux draps ou sous-vêtements, de visites gynécologiques en cas de problèmes, etc. Le Centre d’Action Laïque du Brabant Wallon a tenté de calculer ces différentes composantes, les résultats peuvent se trouver ici. Il estime qu’un cycle menstruel reviendrait à plus de 10 euros par mois, ce qui peut représenter une difficulté financière pour beaucoup de personnes.
Dans cette optique, la généralisation de l’EVRAS, une fois de plus, est plus que nécessaire afin de, entre autres, casser le tabou des règles, parler et informer autour du cycle menstruel, des maladies qui peuvent être liées, faire de la prévention, mais aussi parler des lieux-ressources existants pour les personnes ayant besoin d’aide, de conseils ou de suivi.
Des initiatives déjà en place dans nos Centres de Planning Familial
Les Centres de Planning Familial (CPF) sont des acteurs de première ligne essentiels en ce qui concerne la précarité menstruelle. Ces dernières années, ils ont en effet mis sur pied certaines initiatives pour lutter contre celle-ci. Il existe le projet Sang Soucis, à nos CPF de Liège, Spa et Verviers, qui récolte des produits périodiques dans le but de les redistribuer aux personnes dans le besoin. Ce projet est associé notamment à l’initiative liégeoise TakeAway qui distribue des denrées alimentaires et hygiéniques aux étudiant·e·s. En effet, la crise sanitaire n’a fait qu’accroître la précarité de celles·ceux-ci.
Depuis 2016, il existe également BruZelle, qui travaille en partenariat avec certains de nos Centres, notamment le planning familial Rosa à Bruxelles ou Willy Peers à Namur. Ce projet permet également la récolte et la redistribution des produits périodiques sur base de dons.
Enfin, notre CPF de Namur et les Soralia de Namur mettent actuellement sur pieds un nouveau projet qui devrait voir le jour d’ici le mois de mai 2021. Il s’agit de récoltes de produits périodiques ainsi que la création d’un petit guide d’utilisation pour sensibiliser notamment au syndrome du choc toxique.
Au-delà de ces projets, pratiquement tous les centres proposent des tampons ou des serviettes gratuitement dans les salles d’attente ou dans les toilettes. Cette mise à disposition fonctionne d’ailleurs malheureusement très bien car il existe une vraie demande.
Les Centres de Planning Familial aimeraient pouvoir distribuer des protections périodiques gratuitement de la même façon qu’ils distribuent des préservatifs par exemple. De ce fait, ils souhaiteraient la gratuité des tampons et serviettes ou au moins un financement pour leur achat et leur redistribution.
Cependant, ce sujet reste encore tabou et, de façon globale, il existe une grande méconnaissance du cycle menstruel chez les jeunes et même chez les adultes. Il est également essentiel, d’une manière ou d’une autre, au travers de l’EVRAS ou de campagnes de sensibilisation, de rappeler l’existence des CPF, leurs services, les initiatives mises en place, et leurs missions. Ceux-ci proposent des consultations médicales, psychologiques, sociales, juridiques à prix démocratique, voire gratuites en fonction de chaque situation. Il est primordial que les personnes concernées puissent avoir des points de repères si elles ont besoin de produits périodiques, ou si elles ont simplement besoin d’avoir davantage d’informations, de conseils ou d’un suivi médical.
[1] L’emploi d’un mot neutre comme « personne » est utilisé dans un but d’inclusivité : il est important de rappeler que les règles peuvent également concerner les hommes trans ou personnes non-binaires. De plus, toutes les femmes ne sont pas forcément réglées.
[2] Une étude menée en France sur 6500 étudiant·e·s affirme que 13 % des interrogé·e·s déclarent avoir déjà dû choisir entre acheter des protections hygiéniques et un autre produit de première nécessité.