La Fédération des Centres de Planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes (Sofélia-Soralia) lance sa campagne 2022 d’information et de sensibilisation « Sang rougir » sur les tabous entourant les menstruations. Aujourd’hui, les règles sont encore un sujet qui est relégué aux chuchotements entre personnes menstruées [1] pour demander un tampon ou une serviette sans que d’autres le sachent. À les planquer ensuite dans sa manche afin que personne ne les voie. Cette situation, toute personne ayant déjà eu ses règles ne la connait malheureusement que trop bien. Les tabous entourant les règles restent très présents, bien que les langues commencent petit à petit à se délier…
Pourquoi est-ce important de mener une telle campagne ? Car, déconstruire les tabous et améliorer les connaissances du grand public sur les règles sont des enjeux sociétaux et féministes importants pour tendre vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Cela contribue à soutenir les femmes dans l’appropriation de leur corps et de leur santé menstruelle, physique, sexuelle, reproductive et mentale.
Les règles, un sujet tabou qui peine à s’insérer dans l’espace public
Pour les personnes menstruées, les règles occupent une partie non négligeable de leur vie. En effet, une personne menstruée a, tout au long de sa vie reproductive, entre 250 et 450 cycles menstruels. Ces chiffres dépendent du nombre d’enfants, du temps d’allaitement ainsi que de la durée effective de la vie reproductive de chacun·e. Si on calcule, sur base de 450 cycles d’environ 5 jours, nous arrivons à un total de 2.250 jours, soit une durée d’un peu plus de 6 ans passés en période de menstruations [2].
Dans le cadre sa campagne « Sang rougir », la Soféliaa lancé un appel à témoignages en ligne afin de récolter les vécus et les connaissances du grand public sur le sujet des menstruations. 1.070 personnes ont répondu à ce questionnaire. Les chiffres récoltés mettent en évidence une prépondérance à garder les menstruations dans l’entre-soi des personnes menstruées et prouvent aussi que les menstruations sont majoritairement vues de manière négative. En effet, pour 75% des personnes interrogées, l’information sur ce qui se rapporte aux règles leur a été transmise par une figure maternelle. Pourtant, 51,2% des répondant·e·s estiment ne pas avoir été suffisamment renseigné·e·s sur le sujet avant d’avoir eu leurs premières règles. De plus, 43,5% des personnes menstruées interrogées disent les voir mal vécues.
Les règles, entre impacts sur la vie quotidienne et inégalités
Selon le sondage mené par la Soféliadans le cadre de la campagne « Sang rougir », 71,7% des répondant·e·s disent mal vivre leurs règles car celles-ci ont un ou plusieurs impact·s sur leur vie quotidienne. Ces impacts touchent la vie professionnelle (par ex. absence, difficultés de concentration, fatigue), la vie sexuelle (par ex. une perte de libido), la vie relationnelle (par ex. être à fleur de peau, être facilement irritable, développer de l’anxiété) mais également la santé mentale (par ex. de la dépression, une chute de la confiance en soi). Nous pouvons ajouter à ces données 5,1% des répondant·e·s qui disent prendre un contraceptif en continu ou être heureuses·eux d’avoir la ménopause (naturelle ou provoquée), justement car les règles étaient trop difficiles à vivre.
En parallèle des impacts des règles sur la vie quotidienne des personnes menstruées, le projet « Sang rougir » abordera aussi les inégalités liées aux menstruations. Par exemple, pour les personnes menstruées, il y a une charge économique supplémentaire que les personnes non menstruées n’ont pas à assumer. Différentes études et estimations ont été réalisées sur le sujet, elles prennent toutes en compte à minima l’achat de produits menstruels et d’antidouleurs. Certaines comptabilisent aussi le rachat du linge taché et les achats de nourriture pour combler les fringales. La moyenne tourne entre 2.500 et 3.500 euros dépensés tout au long de la vie menstruée d’une femme, ce qui correspond à entre 7,50 et 10€ par cycle [3].
Les objectifs principaux de la campagne « Sang rougir »
Le projet « Sang rougir » souhaite contribuer à briser les tabous autour des menstruations. Il s’adresse tant au grand public qu’aux milieux associatifs et culturels en passant par les professionnel·le·s du secteur psycho-médico-social.
La campagne « Sang rougir » poursuit plusieurs objectifs dont le fait d’·de :
- Améliorer les connaissances du grand public concernant les règles et, plus précisément des personnes qui ont leurs règles par rapport à leur propre corps ;
- Casser les tabous liés aux menstruations, déconstruire les idées reçues auprès des personnes qui ont leurs règles et des autres qui ne se sentent pas concernées par le sujet ;
- Libérer la parole sur ce sujet, (re)donner la parole aux personnes concernées, créer des espaces où l’on peut partager son vécu ;
- Faire connaitre le concept de santé menstruelle, avec notamment un focus sur les troubles dysphoriques prémenstruels, l’endométriose, etc. ;
- Démédicaliser les menstruations [4] ;
- Lutter contre les discriminations liées aux règles.
Les supports de la campagne « Sang rougir »
Dans le cadre de sa campagne « Sang rougir », Sofélia va produire et diffuser plusieurs supports informatifs et pédagogiques, de juillet à décembre 2022. Ils sont complémentaires mais peuvent aussi être utilisés indépendamment les uns des autres.
5 doubles planches de BD
5 doubles planches de BD seront créées sur différents aspects de la thématique des menstruations. Elles seront diffusées durant tout l’été 2022 sur le site web de la Sofélia-Soralia, sa page Facebook et son compte Instagram.
Ces doubles planches s’inspirent des vécus et des connaissances du grand public sur les menstruations récoltées dans le cadre du questionnaire en ligne lancé par la Soféliaen avril 2022. Chaque double planche se présente comme suit : la première est une histoire mise en scène, la seconde reprend des explications et des données scientifiques sur l’aspect de la thématique traitée. Ces 5 doubles planches seront regroupées au sein d’un livret qui sera diffusé au mois d’octobre 2022 en format pdf sur le site internet de la Soféliaet commandable auprès de notre structure en version papier. Ce dépliant pourra notamment être employé par des professionnel·le·s lors d’animations EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) envers divers publics de tout âge.
Première double planche : C’est quoi les règles ?
La première double planche de BD, lancée ce 25 juillet s’intitule « C’est quoi les règles en fait ? Partons de la base : des premières aux dernières ». Comment fonctionne le cycle menstruel ? Quelles sont les différents produits menstruels à disposition des personnes menstruées ? Qu’est-ce que la ménopause et quand commence-t-elle ? Cette première planche de BD apporte une série de réponses à ces différentes questions.
Comprendre ce qu’est le cycle menstruel et ce qui l’influence permet de faire des choix de produits menstruels et de contraceptifs en connaissance de cause.
Deuxième double planche : La santé menstruelle et ses altérations
La 2ème double planche portera sur la définition du concept de santé menstruelle : « La santé menstruelle est un état de complet bien-être physique, mental et social […] en relation avec le cycle menstruel » [5]. Cette planche mettra en exergue le fait qu’il y a autant de manières de vivre ses cycles menstruels que de personnes menstruées. Cette planche de BD rappelle aussi qu’il existe différentes altérations de la santé menstruelle allant du syndrome [6] à la maladie [7].
Par exemple, les personnes atteintes d’endométriose font face à une errance médicale d’environ 7 ans avant de recevoir un diagnostic [8]. Et même lorsque le diagnostic tombe, il est parfois difficile de trouver le traitement adapté vu la méconnaissance généralisée de cette maladie par les personnes menstruées elles-mêmes, le grand public mais aussi le corps médical. L’endométriose touche pourtant plus ou moins 10% des femmes [9]. Les différentes altérations du cycle menstruel sont largement sous-étudié·e·s ce qui a d’ailleurs pour conséquence un manque cruel de diversité de traitements [10].
Pour améliorer la santé menstruelle, il est important de pallier la méconnaissance du grand public et du milieu médical la concernant et de libérer la parole.
Troisième double planche : Les fausses croyances et représentations entourant les règles
La 3ème double planche portera sur les fausses croyances entourant les règles. Par exemple, le sang bleu est encore particulièrement répandu dans les publicités au sujet des produits menstruels. À noter aussi que ces entreprises publicitaires utilisent, entre autres, le terme « protection hygiénique », ce qui sous-entend qu’il est nécessaire de se protéger contre les règles et que celles-ci sont sales [11]. En effet, les mots utilisés et les idées véhiculées jouent un rôle important dans la construction des tabous liés aux menstruations. Il existe de nombreuses expressions telles que « être indisposé·e » ou encore « les Anglais débarquent », qui ne nomment pas les règles telles quelles. Certaines peuvent même être particulièrement péjoratives, comme « avoir ses viandes » ! Or, ne pas les nommer ou mal les nommer, c’est nier leur existence et participer ainsi aux tabous [12].
Il est primordial de déconstruire les nombreuses idées reçues sur les menstruations, notamment en passant par une critique des représentations et des mots et/ou expressions qui existent pour les nommer.
Quatrième double planche : Des pistes de solutions pour briser les tabous autour des menstruations
La 4ème double planche mettra en évidence ce qu’on appelle le « period positive » qui est un mouvement pour se réapproprier ses menstruations. Ce courant propose plusieurs solutions pour lutter contre le stigma entourant les menstruations ainsi que des actions concrètes à mettre en place au niveau personnel, dans les institutions ainsi qu’au sein de la société. La period positivity ce n’est pas dire qu’avoir ses règles c’est indolore et facile à vivre tout le temps, c’est juste remettre les menstruations à leur place. Ce mouvement prône l’information, la parole libérée et le libre choix sur le sujet.
Par exemple :
- Si vous n’êtes pas menstrué·e·s, vous pouvez tout de même toujours avoir des produits menstruels avec vous au cas où quelqu’un en aurait besoin.
- Si vous êtes menstrué·e·s, vous pouvez éviter d’utiliser des noms de codes comme « ragnagnas », « indisposé·e » pour parler des règles car cela participe à l’entretien du tabou.
- Les institutions et entreprises peuvent donner accès à des produits menstruels gratuits sur le lieu de travail autant dans les toilettes pour femmes que pour hommes.
Il existe des solutions pour briser les tabous autour des menstruations. En parler et poser des actions à son échelle c’est déjà aider à la déconstruction.
Cinquième double planche : Les règles, sources d’inégalités
La 5ème double planche abordera les inégalités liées aux règles. En effet, les règles génèrent de nombreuses inégalités entre une personne menstruée et une personne qui ne l’est pas. Il y a, en premier lieu, une charge mentale conséquente liée aux menstruations. Avoir ses règles implique de prévoir d’avoir sur soi des produits menstruels et un lieu pour les jeter ou les changer si elles surviennent à l’extérieur. Le lieu du travail est notamment un de ces endroits où les personnes menstruées peuvent se sentir mal à l’aise d’avoir leurs règles, notamment à cause des tabous liés à celles-ci et à l’impression qu’avoir ses règles est sale. Ce sentiment peut être renforcé par des remarques désagréables de la part de collègues, le fameux « mais tu as tes règles ou quoi ? » dès qu’un désaccord est marqué. Cette planche abordera aussi la problématique de la précarité menstruelle qui consiste en la difficulté d’accès aux produits menstruels, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle, faute de moyens financiers.
Une accessibilité renforcée aux produits menstruels, à des infrastructures adaptées et des informations claires sur les menstruations permettrait de diminuer les inégalités liées aux menstruations.
Une campagne d’affichage en gare SNCB
Durant le dernier trimestre 2022, la Sofélialancera une campagne d’affichage dans plusieurs gares SNCB wallonnes et bruxelloises. L’objectif de cette campagne sera de toucher un large public issu de milieux sociaux, économiques et culturels variés n’ayant pas accès à Internet et aux moyens de communication actuels. La campagne d’affichage participera à délier la parole autour des menstruations et ainsi briser les tabous qui les entourent.
Des soirées d’échanges en Wallonie et à Bruxelles
Des soirées d’échanges autour de la thématique des menstruations seront organisées par l’équipe de la Soféliaet certains de ses Centres de Planning familial dans le courant des mois d’octobre et de novembre 2022 dans différentes villes wallonnes et bruxelloises. Les dates et les lieux de ces soirées d’échanges seront communiquées prochainement sur le site internet de la Sofélia-Soralia : www.sofelia.be.
L’objectif principal de ces soirées sera de favoriser les échanges et le partage d’expériences sur la thématique des menstruations. Il s’agira par exemple d’ouvrir la parole sur les difficultés que les personnes ayant leurs règles peuvent rencontrer au cours de leurs cycles menstruels mais également de sensibiliser de manière générale sur la thématique des menstruations.
Qui sommes-nous ?
Sofélia (Sofélia-Soralia) a été fondée en 1984 par les Femmes Prévoyantes Socialistes afin de créer un contrepouvoir et une représentation spécifique et laïque dans le domaine de la contraception, de la parenté responsable, de l’interruption volontaire de grossesse et des relations affectives et sexuelles égalitaires.
La Fédération a pour objet la coordination et la promotion de l’action de ses 17 centres de planning familial, dont 9 pratiquent l’IVG, et de diverses autres structures de proximité, situés à Bruxelles et en Wallonie. La Fédération représente ses centres de planning familial auprès des pouvoirs publics. Elle prend toute initiative en vue de promouvoir leur action. Elle centralise et fournit l’information pertinente à leur travail.
Soféliaréalise également diverses actions et publications : campagnes, enquêtes, brochures, évènements, portes ouvertes, etc.
Enfin, la Soféliaest reconnue par le décret du 17 juillet 2003 relatif au soutien de l’action associative dans le champ de l’Éducation permanente.
Dans le cadre de la création de sa campagne 2021, la Soféliaa collaboré avec : Sang Soucis, Bruzelle, la RQASF (Réseau Québécois d’Action pour la Santé des Femmes), le CPF-Soralia « Willy Peers », le CPF-Soralia de Courcelles, le CPF-Soralia de Namur, la Fédération Prisme, les Femmes Prévoyantes Socialistes, Pipsa (service de pédagogie interactive en promotion de la santé).
Une initiative de la Fédération des Centres de Planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes.
Graphisme et illustrations : Prisca Jourdain.
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Région wallonne et d’Equal.brussels.
CONTACT PRESSE : Eloïse MALCOURANT- Chargée de communication et responsable éducation permanente Tél. 02/515.17.68 – eloise.malcourant@solidaris.be.
[1] Il est essentiel pour notre Fédération de Centres de Planning familial des Soralia d’être le plus inclusif·ive possible, c’est pourquoi nous employons le terme « personnes menstruées ». En effet, toutes les femmes n’ont pas leurs règles et toutes les personnes qui ont leurs règles ne sont pas des femmes. Les menstruations ne définissent en aucun cas le genre et l’identité de genre des personnes qui les ont.
[2] THIEBAUT Elise, Ceci est mon sang : petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font, Paris, Ed. La Découverte, 2017, pp.5
[3] DAGORN Garry et DURAND Anne-Aël, « Combien les règles coûtent-elles dans la vie d’une femme ? », Le Monde, 2 juillet 2019, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/02/precarite-menstruelle-combien-coutent-ses-regles-dans-la-vie-d-une-femme_5484140_4355770.html (consulté le 11 juillet 2022).
[4] Nous entendons le terme « démédicaliser » les menstruations comme le fait d’arrêter de considérer les menstruations comme une maladie à traiter mais plutôt comme un fonctionnement naturel du corps. Tout en prenant en compte les vécus considérés comme problématiques pour les personnes les ayant et les solutions médicales qui existent.
[5] HAYNES Hannah, « Bien plus que des mots – Journée de la santé menstruelle 2021 », AmplifyChange, https://amplifychange.fr/2021/05/26/bien-plus-que-des-mots/ (Consulté le 24 mai 2022).
[6] Définition de syndrome : « Ensemble de signes de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l’organisme, d’apparence parfois disparate mais formant une entité reconnaissable qui, sans présager obligatoirement des causes de ces manifestations permettent d’orienter le diagnostic », https://www.cnrtl.fr/definition/syndrome (consulté le 13 juillet 2022).
[7] Définition de maladie : « Altération plus ou moins profonde et durable de la santé », https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/maladie (consulté le 13 juillet 2022).
[8] HINRY Margot, « Endométriose : « un problème de femmes » encore méconnu », National Geographic, 22 janvier 2022, https://www.nationalgeographic.fr/sciences/endometriose-un-probleme-de-femmes-encore-meconnu (Consulté le 11 juillet 2022).
[9] HINRY Margot, « Endométriose : « un problème de femmes » encore méconnu », National Geographic, 22 janvier 2022, https://www.nationalgeographic.fr/sciences/endometriose-un-probleme-de-femmes-encore-meconnu (Consulté le 10 mars 2022).
[10] QUINT, Chella, Be period positive, Op. Cit.
[11] LAHAYE Laudine, « Le tabou des règles : un moyen efficace de contrôler le corps des femmes », Analyse Soralia, 09 novembre 2018, http://www.femmesprevoyantes.be/wp-content/uploads/2018/11/Analyse2018-tabou-des-regles.pdf (Consulté le 11 juillet 2022).
[12] Ibid.