Il y a quelques semaines, Amnesty International et SOS Viol publiaient les résultats de leur sondage [1] sur les violences sexuelles en Belgique. Le constat est accablant puisqu’il révèle qu’1 femme sur 5 a déjà été victime d’un viol [2] ! Les deux organisations exhortent dès lors les autorités à une meilleure protection de la population, et des femmes en priorité, pour lutter contre les violences sexuelles [3].

Des chiffres qui contrastent avec la Convention d’Istanbul

1 personne sur 2 a déjà été victime de violences sexuelles, 1 femme sur 5 victime d’un viol et près de la moitié des jeunes exposé·e·s à des violences sexuelles, l’ont été pour la première fois avant l’âge de 19 ans [4]. Il s’agit de constats inquiétants quand on sait qu’en 2016, la Belgique a ratifié la Convention d’Istanbul. Cette Convention prévoit le respect de principes essentiels à la lutte contre les violences de genre et la mise en place de moyens pour accueillir et soutenir les victimes de manière optimale ainsi que pour garantir des poursuites judiciaires. A l’heure actuelle, différentes dispositions de ce texte sont encore bafouées par la Belgique ayant pour conséquence que cette égalité de droit entre les femmes et les hommes n’est jamais devenue une réelle égalité de faits [5].

Par ailleurs, certains stéréotypes qui banalisent le viol ont toujours la vie dure : près de la moitié des hommes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable et plus d’1 homme sur 5 pense que la violence est sexuellement excitante pour les femmes [6] ! Or, la victime n’est jamais responsable d’une quelconque violence sexuelle subie [7]. Notons qu’en parallèle, il y a peu de dépôts de plaintes de la part des victimes et on estime que plus de la moitié des plaintes sont classées sans suite et que par conséquent, les violeurs restent trop souvent impunis. Selon Zoé Spriet-Mezoued, chargée de campagne à Amnesty International Belgique : « le traitement judiciaire actuel des dossiers de viol entraîne une souffrance inacceptable pour les victimes qui voient leur vécu nié et leurs expériences banalisées ». Une réalité qui n’encourage nullement les victimes à entamer des démarches en ce sens.

Ainsi, pour les femmes, il s’agit d’une double peine : non seulement ce sont elles les plus nombreuses victimes de violences sexuelles ou de viols mais en plus, le responsable n’est que trop rarement jugé et donc reconnu coupable [8].

Quels mécanismes en cause ?

Ces clichés banalisant le viol et ce manque de prise de conscience de l’ampleur du phénomène perpétuent la culture du viol et sont en grande partie liés au manque d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. En effet, bien que chaque école ait l’obligation d’intégrer l’EVRAS dans son projet éducatif et pédagogique, cette dernière ne jouit toujours pas d’une généralisation effective et notre Fédération de Centres de Planning familial ne peut que constater les manquements des autorités belges en termes de sensibilisation et d’éducation sexuelle, qu’il est pourtant urgent de dispenser dès le plus jeune âge [9]. Zoé Spriet-Mezoued explique : « Le contenu et la fréquence des “cours” d’EVRAS doivent être déterminés de manière claire par les autorités, qui doivent également pouvoir en vérifier la mise en place par les établissements. Les violences sexuelles et la thématique du consentement doivent faire partie des points abordés lors de ces séances. »

Si le manque d’éducation à la vie sexuelle est certainement le point majeur à aborder, la communication entre partenaires est, elle, extrêmement importante également. Chacun·e doit apprendre à écouter et à respecter les envies de l’autre, tout comme apprendre à exprimer ses besoins, ses désirs mais aussi ses limites. Cette communication s’apprend notamment au travers de l’EVRAS [10].

En outre, la loi relative au viol en Belgique demeure quelque peu rigide. En effet, contrairement à d’autres États européens [11], la loi belge définit le viol comme « tout acte de pénétration commis en l’absence de consentement », ce qui peut porter à confusion. 1 homme sur 5 considère d’ailleurs qu’imposer une fellation ne relève pas d’un viol et que par conséquent, il ne peut pas être accusé de viol [12]. Or, légalement, il s’agit bel et bien d’un viol.

Le temps d’agir

La généralisation effective de l’EVRAS n’a jamais été aussi nécessaire. On le constate, les 15-24 ans constituent la catégorie la plus touchée par les formes de violences sexuelles [13], d’où l’importance de commencer l’EVRAS le plus tôt possible dans le cursus scolaire, mais aussi dans tous les milieux de la vie. L’EVRAS sous-tend les notions de rapport au corps, de respect de soi et des autres et de consentement et c’est cette dernière question qui est plus que problématique, chez un nombre important de garçons en particulier [14].

Amnesty compte lancer une vaste campagne de sensibilisation sur le consentement, qui s’adressera spécifiquement aux garçons et jeunes hommes, qui ne semblent pas assez conscients de la gravité de leurs comportements et surtout des conséquences qui s’y rapportent [15] : « la méconnaissance du consentement et de la réalité des violences sexuelles dont témoignent les résultats de notre sondage et nos entretiens collectifs menés auprès de garçons de 15 à 25 ans sont profondément alarmantes » explique Zoé Spriet-Mezoued. En France, le constat est le même. Le collectif #NousToutes a révélé les résultats de son enquête [16] et déclare que 9 femmes sur 10 disent avoir déjà ressenti une pression de la part d’un partenaire pour avoir un rapport sexuel et 1 femme sur 6 déclare que son premier rapport n’était pas consenti [17].

Par ailleurs, la formation des policières·iers et des juges reste un enjeu primordial dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles [18]. Selon Amnesty toujours : « les préjugés sont omniprésents et ont des conséquences concrètes pour les victimes. Ils influencent notamment la prise en charge policière et judiciaire des victimes de viol dans la mesure où l’ensemble de ces acteurs de première ligne voient ces stéréotypes qu’ils ont assimilés entraver l’accueil juste et bienveillant qu’ils doivent réserver aux requérantes. Ces dernières sont ainsi régulièrement exposées à la victimisation secondaire tout au long de leur parcours : commentaires culpabilisateurs, minimisation de leur traumatisme, remarques induisant une part de responsabilité de la victime dans les faits… ». Cela constitue un réel frein pour les victimes. Il serait urgent de renforcer la formation de base et continuée des actrices·teurs de première ligne pour en finir avec l’impunité des auteurs et surtout pour que les femmes n’aient plus peur de témoigner ou d’entreprendre des démarches en justice jugées généralement trop lourdes [19].

En ces temps de confinement, il est plus que jamais nécessaire de maximiser nos forces et nos moyens afin de sensibiliser les autorités belges à une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles et victimes de toute autre forme de violence. Cela passe, entre autre, par une généralisation effective de l’EVRAS en milieu scolaire et extra-scolaire, mais aussi par une meilleure formation des différents actrices·teurs intervenants dans la prise en charge des victimes, ainsi que par une meilleure information des victimes de violences sur leurs droits et sur les ressources mises à leur disposition pour se faire aider.

[1] Sondage réalisé auprès de 2.300 Belges âgés de 15 à 85 ans, avec suréchantillonnage des 15-25 ans dans le but de traiter des thématiques liées à la jeunesse.

[2] AMNESTY INTERNATIONAL, « La Belgique doit agir contre le viol », 4 mars 2020, https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-ligne/petitions/belgique-agir-viol (consulté le 7 avril 2020).

[3] BELGA, « 48% des jeunes hommes et 37% des jeunes femmes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable de son agression », sudinfo.be, 5 mars 2020, https://www.sudinfo.be/id171307/article/2020-03-05/48-des-jeunes-hommes-et-37-des-jeunes-femmes-considerent-quune-victime-de-viol (consulté le 7 avril 2020).

[4] AMNESTY INTERNATIONAL et SOS VIOL, « Un sondage indique que les violences sexuelles touchent surtout les jeunes », Communiqué de presse, 5 mars 2020, https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/belgique-sondage-indique-violences-sexuelles-touchent-jeunes (consulté le 6 mai 2020).

[5] AMNESTY INTERNATIONAL et SOS VIOL, « Un sondage indique que les violences sexuelles touchent surtout les jeunes », op. cit.

[6] BELGA, « 48% des jeunes hommes et 37% des jeunes femmes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable de son agression », sudinfo.be, op. cit.

[7] Le blog Fédération des Centres de Planning familial des Soralia, « Pourquoi les victimes gardent-elles le silence ? », https://www.sofelia.be/pourquoi-les-victimes-gardent-elles-le-silence/ (consulté le 9 avril 2020).

[8] AMNESTY INTERNATIONAL, « La Belgique doit agir contre le viol », op. cit.

[9] AMNESTY INTERNATIONAL et SOS VIOL, « Un sondage indique que les violences sexuelles touchent surtout les jeunes », op. cit.

[10] MADMOIZELLE, « Les résultats de l’enquête #NousToutes sur le consentement décryptés », madmoizelle.com, 3 mars 2020, https://www.madmoizelle.com/enquete-consentement-resultats-noustoutes-1043900?fbclid=IwAR1GHGpa2iuL02ONU8FVEwEYC8O4-36R9WkZ2NYgwxFPMcoiPwzXfeiiYak (consulté le 6 avril 2020).

[11] En Suède par exemple, le viol est considéré comme « tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de menace ou de violence ».

[12] AMNESTY INTERNATIONAL et SOS VIOL, « Un sondage indique que les violences sexuelles touchent surtout les jeunes », op. cit.

[13] AMNESTY INTERNATIONAL et SOS VIOL, « Un sondage indique que les violences sexuelles touchent surtout les jeunes », op. cit.

[14] BELGA, « 48% des jeunes hommes et 37% des jeunes femmes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable de son agression », sudinfo.be, op. cit.

[15] BELGA, « 48% des jeunes hommes et 37% des jeunes femmes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable de son agression », sudinfo.be, op. cit.

[16] Un sondage à prendre avec précautions car il ne touche pas toutes les catégories socio-professionnelles, la plupart des réponses concerne des femmes et il s’agit de couples hétérosexuels.

[17] MADMOIZELLE, « Les résultats de l’enquête #NousToutes sur le consentement décryptés », op. cit.

[18] LE GROUPE F, « #PayeTaPlainte : des centaines de femmes victimes racontent », legroupef.fr, https://legroupef.fr/temoignagesplaintes-les-victimes-racontent/ (consulté le 7 avril 2020).

[19] AMNESTY INTERNATIONAL, « La Belgique doit agir contre le viol », op. cit.

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Pour davantage d’informations consultez notre dossier thématique « evras ».

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Pour davantage d’informations sur les publics LGBTQIA+, consultez notre dossier thématique.

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Pour davantage d’informations sur les violences conjugales, consultez notre dossier thématique « Violences conjugales ».

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