Le 3 mai 2019, le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) a publié un rapport visant à améliorer la réponse de la Justice belge face aux violences sexuelles. Issue d’une table ronde réunissant divers-e-s expert-e-s (juges, avocat-e-s, inspecteur-rice-s, professeur-e-s, médecins,…), cette publication s’interroge sur les faiblesses de la prise en charge des violences sexuelles par le système pénal belge, pour ensuite identifier des pistes d’action à destination d’acteurs institutionnels (ex : le législateur, le gouvernement fédéral,…).
Un système pénal qui n’est pas à la hauteur des enjeux [1]
Le 2 mai 2017, l’État belge a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme au motif qu’une enquête pénale concernant un délit sexuel n’avait pas été menée convenablement. Cette condamnation est le reflet d’un système pénal défaillant, où l’impunité des auteur-e-s de violences sexuelles persiste, où les acteur-rice-s du monde judiciaire manquent de moyens (techniques, humains et financiers) et où les victimes restent désemparées.
Les chiffres émanant du ministère public attestent cette réalité. En Belgique, entre la période de 2010 à 2017, 53% des dossiers de viol et 59% des dossiers d’attentats à la pudeur ont été classés sans suite. Ce constat n’incite aucunement les victimes à porter plainte ; elles sont d’ailleurs une minorité à le faire. Les expert-e-s pointent aussi la persistance de au sein du corps judiciaire [2] ou encore leur manque de formation en la matière.
Et pourtant… les pistes d’action sont nombreuses ! [3]
Face à cette situation peu flatteuse, les expert-e-s de cette table ronde formulent toute une série de recommandations leur semblant primordiales afin d’améliorer la réponse de la Justice belge face aux violences sexuelles.
En voici quelques-unes :
- Garantir, sans délai, la mise en place de Centres de prise en charge des violences sexuelles dans chaque arrondissement ;
- Faire de l’approche des violences sexuelles une priorité absolue ;
- Déployer des acteur-rice-s en nombre suffisant et disposant d’une formation adéquate dans tous les domaines et à tous les niveaux ;
- Encourager et utiliser les techniques d’investigation appropriées (ex : développer les auditions audiovisuelles) ;
- Mettre en place des mesures qui assurent que la parole de la victime présumée soit prise autant au sérieux que celle de l’auteur présumé, au moyen notamment d’examens psychiatriques pour cerner au plus près les personnalités en présence et prendre en compte l’éventuel traumatisme de la victime.
Le CSJ propose aussi de miser davantage sur une éducation sexuelle de qualité, d’examiner la question de la charge de la preuve de l’absence de consentement [4] ou encore d’aviser au plus vite les victimes des décisions déterminantes prises par les magistrats et de les leur expliquer.
Un rapport engagé vers la bonne direction
Cette initiative démontre un véritable intérêt et une prise de conscience de la part des acteur-rice-s du monde judiciaire face à la prise en charge des violences sexuelles. Ce rapport est, espérons-le, un premier pas vers la mise en place concrète de solutions afin de garantir une meilleure approche des violences sexuelles en Belgique.
Par ailleurs, son contenu est un appel fort à destination de nos futurs gouvernements pour que les moyens nécessaires, tant humains que financiers, soient consacrés à cette problématique sociétale majeure. Cette mesure rejoint les obligations fixées par la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, qui, rappelons-le, a été ratifiée par la Belgique en 2016. Mesdames et Messieurs les Ministres, il est temps d’agir !
[1] Conseil Supérieur de la Justice, « Vers une meilleure approche de la violence sexuelle », avril 2019, mis en ligne le 03 mai 2019, consulté le 27 juillet 2019, URL : http://www.hrj.be/sites/default/files/press_publications/20190426_seksueel_geweld_f.pdf
[2] Par exemple, l’idée qu’une victime est capable de se défendre contre la violence sexuelle ou/et que son comportement peut la provoquer est toujours véhiculée.
[3] Conseil Supérieur de la Justice, op. cit.
[4] L’idée serait de renverser le système actuel en demandant à l’auteur-e présumé-e de démontrer qu’elle/il a agi avec le consentement de l’autre personne.